PIERRE PILONCHERY

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LES PREMIERS OUVRAGES 1975-1982


Les premiers ouvrages s'appellent Les Effaçages, c'est l'époque de mes débuts entre 1975 et 1978, je viens de terminer mes études aux Beaux-Arts de Lyon (1970-1971) puis aux Beaux-Arts de Paris (1972-1976).

Les Effaçages sont des superpositions de corps dessinés à l'encre sur papier à chaque couche lavés à grande eau puis recommencés. C'est l'image des générations humaines et de leurs traces effacées additionnées. C'est aussi le début de la notion de processus dans les méthodes de constructions de tout mon travail. J'y pose aussi pour la première fois la question de l'original et de sa copie dans des installations environnementales mêlant pratiques artisanales et leurs reproductions agrandies par diapositives et photocopies.

Dans cet esprit je réalise en 1976 la pièce sonore "3mn", une musique sur bande obtenue en enregistrant de très brefs instants de sons divers dont les débuts et les fins sont effacés pour les juxtaposer. On obtient alors un effet de nappe sonore sans début ni fin dont aucun moment n'est peut-être plus intéressant qu'un autre. Cette oeuvre, aujourd'hui perdue, reste la 1° oeuvre au départ de tout le travail qui suivra même si on ne peut plus l'écouter maintenant.

Automne 1978, aveugle pendant un mois, les images s'effacent, retour progressif de la vue en 3 mois, une expérience déterminante, faut-il le souligner, du repli de soi pour voir le monde

Puis ce sont Les Espaçages en 1979, l'époque où je découvre plus ou moins consciemment tout ce que je vais développer par la suite, la question de l'espace et de son infini plein d'un tout en même temps sur ce fond d'ouverture enthousiaste à l'infinité des possibles.

Les Espaçages sont des moments additionnés de libres interventions graphiques en divers endroits de grands panneaux verticaux présentés seuls ou bien ensemble, un peu comme les rochers dans le vide des jardins Zen.

Entre 1979 et 1982 Les Canevassages marquent une époque charnière qui sera décisive, c'est là que s'impose à moi la nécessité de la méthode pour avancer tranquille et léger dans la réalisation de mes ouvrages : des bandes et des morceaux découpés dans différents tissus rouges et dans des restes de la série précédente sont tissés par collage sur de très grandes surfaces de plusieurs mètres en panneaux mobiles interchangeables dans l'ordre et le sens.

C'est aussi le moment où j'imagine et dessine en 1979 et 1980 des projets d'oeuvres par satellites regroupant en un seul endroit les morceaux d'une oeuvre éparpillés en plusieurs autres endroits sur le globe entier. Je suis alors complètement impliqué dans la vision d'un monde mosaïqué, c'est juste un regard, juste une question de points de vue pour savoir le voir. 28 ans plus tard, en 2008, l'esprit de ce travail est repris dans l'oeuvre planétaire Walker in the Universe, a global Work grâce aux possibilités d'échanges par internet.


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NOTES SUR UN PROJET PAR SATELLITES EN 1979 ET 1980


Note envoyée en réponse à une demande, 2010.


Les projets d'œuvres par satellites de 1979 et 1980, auxquels tu fais allusion, sont restés à l'état d'esquisses sur le papier et dans mon esprit. Mais ils n'en restent pas moins un moment inoubliable de mon parcours artistique, parce que marquant une orientation inévitable pour moi vers l'idée qui m'était chère alors d'une dématérialisation de l'œuvre pour lui permettre sans difficulté et en toute légèreté de voyager et traverser le monde entier, avec, en fond premier, cette idée d'une addition de fragments formant le tout mais autrement que par le simple montage réel de ses parties pour en former la somme.

Les faramineuses possibilités de la toile internet avec son immédiateté dans les transports d'images et autres n'existaient pas encore et nous n'avions aucune idée de ces proches moyens nouveaux à la disposition de tous aujourd'hui. Lorsque j'ai imaginé et créé dans ,mon esprit ces œuvres par satellite, j'avais en tête un lieu de réception pour les rendre publiques, le Musée d'art moderne de la ville de Paris, qui m'était cher par tout ce que Annick Yan et moi y avions découvert dans notre vie d'étudiants à l’École des Beaux-Arts

Comment tout ça devait fonctionner? En fait, assez simplement, sans souci technique du possible ou non de la réalisation. C'était alors le moment de mes grandes surfaces de la série Les Cannevassages. J'envisageais de couper en un certain nombre de morceaux ces grandes surfaces très longues à réaliser (je travaillais entre 3 mois et une année sur chacune). Des voyageurs volontaires (comme aujourd'hui les co-auteurs du Walker dans le monde), en partance pour divers "lieux" du monde, emportaient dans leurs bagages un de ces fragments pour le photographier accroché quelque part dans leur lieu d'arrivée et devaient (c'était là le point technique très flou du projet : où et comment procéder? mais je ne doutais pas de la faisabilitée) le faire "envoyer" en direct par satellite au Musée d'Art Moderne, via une infrastructure professionnelle de télécommunication, qui le réceptionnait avec tous les autres morceaux en provenance de divers lieux dans le monde envoyés aussi par d'autres "voyageurs"dans le monde.

A Paris, au Musée d'Art Moderne, on aurait vu, sur un vaste mur, s'ajoutant comme sur une grille au fur et à mesure de leurs arrivées, tous ces morceaux virtuels de l'œuvre s'additionner sous la forme d'une gigantesque projection, pour, au final, montrer l'œuvre entière, non dans sa forme matérielle originale mais sous une forme virtuelle qui, me semblait-il, devait offrir aux spectateurs un regard imaginaire sur le monde tout entier. L'œuvre ainsi "exposée" montrait clairement cette idée toujours évidente pour moi que l'important n'est pas ce que nous faisons mais ce que nous en faisons : le voyage de l'œuvre documenté par sa réception virtuelle était l'œuvre. Une œuvre d'art est toujours beaucoup plus que ce que l'on voit.


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