PIERRE PILONCHERY
QUELQUES LIEUX COMMUNS
Notes de travail pour l'installation "All The People"
Pierre Pilonchéry
2007-2009
A partir de l'été 2007 je prépare l'exposition «All The People» pour le Musée des Moulages à Lyon. Ce travail poursuit la série des Visionnages commencée en 2004. 500 petits films réalisés à partir de captures de différents portraits de tous ces gens d'aujourd'hui qu'on voit sur nos postes de télévisions du monde entier sont projetées en même temps sur un fond lumineux rouge et se promènent sur une centaine de moulages de sculptures antiques au milieu d'une structure d'échafaudages portant les appareils de diffusions des images et du son. Des micros sont à la disposition du public pour additionner sa voix à celles superposées des 500 films diffusés. Les murs sont éclairés de rouge. Ce texte est constitué de notes rédigées depuis le mois de mars 2007 dans le moment de la préparation de l'installation jusqu'à sa mise en place finale prévue au Musée des Moulages à Lyon en décembre 2009. Il se présente sous la forme d'une addition de 50 paquets de 10 lignes chacun soit un total de 500 lignes correspondant aux 500 films projetés par paquet de 50 par 10 vidéo-projections sur les sculptures du Musée.
1 - C'est très simple de mettre ensemble toutes les sonorités du monde et de dire clairement qu'il n'y a pas de sens à comprendre mais à construire comme on veut, ça pose la question de la réception de l'œuvre d'art, et la question de la réception de l'œuvre d'art c'est-à-dire l'attitude individuelle en laquelle on peut avoir confiance c'est l'histoire de notre présence au monde dans son infinie répétition, c'est-à-dire que si simplement toute l'histoire de l'humanité espère se résumer de préférence aux meilleurs hommes que l'on puisse envisager de connaître alors qu'aujourd'hui toutes ces choses qui captivent le plus l'attention des hommes se trouvent sur tous nos écrans d'ordinateurs et de télévisions et que cette agitation-là supplante toutes les histoires du monde et de son évolution, il nous faut donc poser la question de savoir ce que nous pensons pouvoir aujourd'hui trouver dans nos musées et toutes nos expositions, et c'est donc aussi la question des conditions de la production
2 - de l'œuvre et de de son apport au lieu qui la reçoit parce que la mesure des choses commencent toujours pendant que quelqu'un d'autre ailleurs fait aussi quelque chose, c'est-à-dire qu'indépendamment de nos pensées la réalité du monde au final demande à être interprétée comme une partition à partager entre toutes les générations, c'est pourquoi donc il nous faut savoir travailler à ce processus de pénétration du monde dont notre regard voudrait embrasser toutes les scènes en même temps lorsque nous regardons la place de nos corps et de leurs habitudes qu'ils appliquent à la perception même des éléments qui les entourent et les contiennent, et si donc toutes nos activités continuent d'indiquer nos situations dans le monde que nous traversons je voudrais dans ce sens qu'on puisse utiliser mon travail pour mieux vivre, je voudrais dans ce sens que mon travail devienne utilisable au milieu des créations de tous mes contemporains, proches ou lointains, parce
3 - que si l'expression de l'existence diffuse la force de chacun dans ses efforts et ses procédés pour inventer, chaque morceau d'art ajoute sa part d'humanité à l'univers tout entier, c'est comme une grande promenade dans laquelle on est mis en contact direct avec la grande multiplicité, c'est l'expérience de la vie, et c'est dans ce sens donc que la question devient maintenant «que peut-on faire de cette œuvre d'art?» et non plus «que veut dire cette œuvre d'art?», parce que nous pouvons exprimer bien d'autres idées de nous-même et de nos pensées si nous savons converser avec ce monde tout entier qui nous entoure et donc nous contient, alors que pouvons-nous donc découvrir dans cette installation sur toutes ces surfaces des 500 films réalisés à partir d'émissions de télévision projetés sur des moulages de sculptures antiques?, eh bien des instants de quelque chose, sans propos, simplement des lieux et des mouvements dans l'espace et le temps parce que tout ce que
4 - l'on peut entendre et voir en même temps produit l'atmosphère de notre respiration juste en cet endroit du temps pour mieux voir et comprendre que nous sommes parfaitement capables d'apporter toujours d'autres réponses aux toujours mêmes questions posées depuis les débuts de l'humanité, c'est pourquoi la bonne question devient donc de savoir comment nous pouvons voir nos vies les plus intimes voyant les histoires de tous ces dieux et déesses idoles du passé comme celles nouvelles et d'un autre registre qu'on voit sur nos écrans d'aujourd'hui, donc que voyons-nous là?, d'abord et surtout bien sûr un regard sur la fourmilière humaine et ses idoles, c'est un regard comme une histoire sans fin parce qu'il y a toujours quelqu'un pour chanter quelque part sur la place publique au milieu des étoiles, mais c'est aussi et toujours le sentiment d'une première fois face à toutes ces idoles lorsqu'on obtient la mesure de notre courage non pas pour nous différencier mais
5 - simplement pour exister, c'est pourquoi la question de savoir comment l'homme se présente au monde n'exprime rien d'autre que sa priorité à mieux savoir créer pour se grandir dans la beauté, et dans ce sens notre comportement dans notre rapport au monde ne manifeste rien d'autre que notre ambition pour aller toujours plus loin, c'est un peu notre contribution à l'expansion de l'univers où nous sommes parce qu'au-delà des particularités c'est bien évidemment l'univers tout entier que nous explorons, et dans ce sens une œuvre ne peut pas se limiter à quelque territoire particulier pour affirmer l'art et révéler ce qui se passe et repasse dans le temps, c'est pourquoi je dis que c'est très simple de mettre ensemble toutes les sonorités du monde et de dire clairement qu'il n'y a pas de sens à comprendre mais à construire comme on veut, c'est pour moi juste une question de méthode et de processus pour se mettre en action mais d'abord et surtout de regards et de sens sur le monde,
6 - sur le monde et moi, moi là qui le voit et me voit avec tout ce champ des possibles, ça veut donc dire d'abord que nous sommes les auteurs responsables de notre monde, et j'en mesure les effets, ça veut dire aussi que c'est une question de temps parce que la vie résulte d'opérations de rencontres et que tout ça c'est une histoire d'additions, depuis les débuts de l'humanité jusqu'à notre époque des technologies d'aujourd'hui, ça veut dire encore et surtout que pour mieux voir l'ensemble je regarde ici juste en cet endroit du temps pour mieux voir, il y a beaucoup de choses dans cette situation, tous les changements possibles peuvent s'y superposer, et lorsque donc l'interaction avec le monde nous frotte à des événements extérieurs nous pouvons en jouir ou bien en souffrir et nous pouvons alors agréablement jouer des certitudes comme des incertitudes, c'est ce que je veux dire lorsque j'écris quelque part que je nais 200 ans après la mort de Descartes et la
7 - naissance de Bach en 1750, vous voyez donc qu'un seul contexte motive mon travail, l'existence de l'univers et de tous ses ingrédients, que contient-il?, seulement ce que nous lui donnons, et que lui donnons-nous?, des systèmes de connexions pour relier tous ses éléments si nous voulons savoir les voir pour mieux nous voir encore, et qu'obtenons-nous?, différents types de surfaces qu'on étire à l'infini bien au-delà du raisonnable dans l'ordre de l'imaginable, et qu'en faisons-nous?, hé bien c'est là tout le jeu de notre liberté, il nous suffit juste de clarifier la conscience que nous avons de nos processus de création pour savoir comment ça fonctionne, à tout niveau, nos observations, nos connaissances, nos questions, nos idées, nos technologies, la nature, les personnes que nous rencontrons, cette exposition pour laquelle j'écris ce texte que vous lisez, tout ça contient des dimensions que chacun doit pouvoir créer si nous voulons les mesurer pour
8 - mieux les connaître, et comment donc alors ça fonctionne?, hé bien l'observateur crée la réalité, c'est déjà dit, donc, en d'autres termes, question première, de quoi remplissons-nous le monde?, parce que si je peux considérer la possibilité de strates visuelles et sonores comme des formes de mises en art il paraît plus juste de considérer chaque regard sur l'œuvre comme un regard sur soi, et donc ce qui se manifeste ici par une sorte de réflexion détournée ce ne sont pas tant les dimensions artistiques de l'installation que celles singulières et provisoires des personnages qui la traversent, c'est quelque chose qui traverse toutes les cultures, une longue histoire dans laquelle les identités se croisant le sens des mots peut y varier à chaque rencontre dans le monde, c'est ce fil rouge que je tisse lorsque je fais porter par les images du passé les images d'aujourd'hui, la question donc simplement devient maintenant de savoir comment je vois le monde pour me voir, ou, mieux,
9 - comment je me vois pour voir le monde, et si la manière universelle de voir le monde nous dit que toute vision forcément partielle sait que d'autres parties non visibles existent aussi, ce que nous voyons nous relie à tout ce que nous ne voyons pas qui donc est aussi convoqué là, voilà pourquoi ma méthode de travail, je l'ai dit, c'est l'addition, et c'est dans ce sens que je peux écouter sans fin toutes les voix du monde et de toutes les époques, en les mélangeant, donc vous voyez je n'invente rien, je ne fais que suivre la manière du monde qui depuis 15 milliards d'années se construit dans son expansion par additions, et même si parfois il faut savoir laisser de côté l'explication pour s'occuper de l'imagination nous pouvons toujours commenter ce processus de création, par exemple si nous laissons devant nous la vie se brouiller comme devant le spectacle d'une fourmilière en pleine agitation lorsqu'on la dérange avec un bâton il nous faut alors absolument déterminer les
10 - différences de registres de nos pensées pour savoir toutes les faire exister, ça nous conduit à regarder la signification de nos existences dans le monde qui est ce qu'il est c'est-à-dire de multiples et périssables substances lorsque nous savons regarder l'humanité, autrement dit à toutes les échelles de grandeurs nous sommes en contact avec toute l'humanité, et si donc notre geste créateur multiplie jamais la construction ne pourra être achevée parce que la permanence de notre chantier nous ramène toujours au présent dans notre expérience du temps, et dans ce sens notre rapport au monde n'est pas celui que nous trouvons mais bien évidemment celui que nous fabriquons, ou tentons de fabriquer, et c'est donc notre vocation de savoir redimensionner les articulations de nos déplacements dans l'espace symbolique que nous leurs attribuons, et c'est dans ce sens là que l'art demande une participation magique inlassablement amoureuse de tous nos sens y contribuant,
11 - comme dans cette installation au Musée des Moulages de Lyon dans laquelle l'assemblage par additions permet d'accomplir l'exécution de ce qui pourra faire œuvre derrière toutes ces images saturées de visages anonymes ou célèbres capturés sur des télévisions du monde entier, ces images projetées sur tous ces moulages de sculptures antiques nous offrent l'histoire de notre histoire et paradoxalement mais amoureusement nous disent aussi sous la forme d'une trame unique les originalités inépuisables de chaque présence humaine depuis les débuts de l'humanité, nous y rencontrons alors l'espèce humaine bien avant nous comme bien au-delà, et si certaines expériences s'enregistrent sur des lieux très communs comme les clichés de nos cultures contemporaines ou passées l'énergie de l'existence opère à travers nos traces comme une multiplication dont le résultat découle de nos convictions et de notre bonheur à pouvoir les créer, et sur ces parages il faut
12 - compter sur les idées communes et leurs banalités comme sur tous les créateurs et leurs apports pour l'humanité, parce que toutes les histoires racontées par tous les hommes dans toute l'humanité, toutes ces histoires d'amour qu'on peut toujours inlassablement additionner pour toutes les aimer, tous ces discours dans tous les domaines que l'homme a su développer pour se voir avancer dans la construction de son identité, tout ces exemples, et bien d'autres encore, quelle qu'en soit la qualité, c'est comme une promesse pour toute l'humanité, quelque chose en forme de manifeste jamais définitif comme une texture de voix lancées dans l'univers tout entier, et parce que toute forme d'action retourne à l'univers qui la contient je revendique là ma volonté de création lorsque je veux voir ma pensée toute entière regardant l'univers qui justement la contient, et là bien sûr tous nous y sommes, acteurs et figurants, parce que c'est tout simplement l'épopée de notre
13 - humanité qui se déroule là sous nos yeux, c'est pourquoi je dis qu'il est réconfortant pour moi d'intégrer dans la mesure de mes actes les manifestations de tous les hommes d'actions de tous les temps dans tous les lieux immédiatement réunis à ce moment là dans leurs communes ou diverses activités, ça me donne le sentiment que la force attractive de ce qu'ainsi je produis se propage dans le temps d'avant comme dans celui d'après, et que si donc en apercevant ceci j'aperçois forcément cela ce que je dis et fais contient beaucoup plus que ce qui le compose, alors dans ce contexte ce qui entoure le travail est aussi le travail, et là vraiment j'ai le sentiment que si nous emmagasinons de l'énergie dans ce sens élargi nous connaissons non pas le vertige mais le prestige de notre qualité toute humaine, parce que forcément notre présence y affirme la présence de l'autre la variété et la diversité des choses du monde nous forcent d'aimer des situations qui seront dans ce sens toujours
14 - inachevées pour contempler sans limite la multitude des gens du monde, c'est l'histoire de notre présence au monde dans son infinie répétition dans laquelle la vie des autres sillonne toute expérience, en d'autres termes ce qui pénètre dans nos esprits lorsque tous ces visages bougent parlent et s'agitent forme des ensembles de vies à divers degrés de compréhensions parce que tout ça dépend seulement de nos propres connexions, c'est comme un système jamais unifiable de toutes nos activités et de toutes nos pensées dans leurs variétés et toutes leurs extrêmes sensibilités, juste une forme de mouvement comme un tissage de moments sans idée de composition, seulement de la présence humaine du côté de la création avec alors la question mise en avant de savoir ce que nous saisissons là pour le souligner de la position de nos pensées devant ce flux d'images installées en plein trafic d'une vie très commune, savoir au fond quelle expérience nous pouvons vivre avec ce
15 - qu'il se passe ici dans cette installation, parce que si dans ce jeu de maillage de l'espace et du temps que je tisse c'est d'abord l'impression de portes à ouvrir que je voudrais dire, pour que l'air puisse librement circuler lorsque nous nous déplaçons dans nos pensées, autrement dit pour créer un espace visuel et sonore en complète expansion dans toutes les directions, c'est aussi et surtout, si nous savons agrandir l'échelle de notre regard dans cet espace de mosaïques, l'impression d'un endroit en presque parfaite immobilité que je voudrais donner, comme un champ de vibrations dans le présent que nous construisons, parce que si nous y voyons bien évidemment des éléments communs à tous les êtres dans l'histoire depuis les débuts de l'humanité nous y voyons surtout cette idée que chacun nous devons écrire l'histoire de notre propre réussite, et si donc la connaissance peut commencer seulement lorsque nous savons regarder qui nous sommes et si, puisque nous
16 - vivons à l'époque des réseaux qui nous permettent de tisser et d'entrecroiser, cet état permanent de création traverse tous les êtres dans tous leurs domaines, tous les je de la Terre construisant l'histoire de notre avenir, lorsque quelqu'un dans ces conditions s'intéresse à ce que je fais j'en suis ravi, parce que les autres sont si proches et si lointains en même temps, et si l'on ne doute pas du courage et de l'énergie de tous pour s'approcher de ce qu'ils doivent faire on peut alors donner beaucoup d'exemples aux yeux du temps de motivations pour toutes nos actions et toutes nos inventions, ce que donc je veux dire c'est que l'art n'offre pas de modèles d'autorité, il n'est pas là pour démontrer, simplement nous devons y reconnaître nos très éphémères déplacements aux yeux du temps, c'est une façon d'exister pour avancer, parce que nous savons très bien qu'il n'y a pas ici de langage commun lorsque nous entendons dans tous ces déplacements le bruit de fond du monde,
17 - et c'est dans ce sens justement que les icônes fabriquées par les hommes nous renseignent sur les hommes dans leurs tentatives à saisir quelques traces de leurs actions, comme ici dans cette installation où le rapport entre ensemble et détails me semble offrir un exemple typique de l'exploitation de nos forces créatives pour savoir regarder, nous y sommes placés dans la situation du promeneur qui peut voir le jardin rempli de fleurs ou bien la fleur dans le jardin, avec l'idée, derrière tout ça, que la modification des lieux traversés et de toutes leurs significations possède une valeur directement suggestive bien au-delà de leurs significations propres, et que donc tous ces territoires que je détermine et situe de ma conscience à mon environnement du moment expérimentent des mécanismes d'existences qui ne sont pas alors des espaces de démonstrations mais de transformations, ce que je veux dire c'est que notre compréhension de l'art devient en ce
18 - sens notre propre transformation dans tout ce que nous faisons et pensons, c'est comme un voyage au fond du moi, il nous faut non seulement voir mais parfois supporter de voir, et c'est bien là comme une révélation, parce que cette forme de perception associe l'engagement de chacun dans son savoir au dépassement de son savoir, nous sommes donc dans l'expérience que nous vivons, comme dans cette installation par exemple dans laquelle on peut se laisser bercer par le bourdonnement qui ressemble à celui des insectes en été de ces voix mélangées sur les 500 films projetés mais dans laquelle on peut aussi chacun dire son mot, j'ai placé des micros pour ça vous voyez, comme une forme de mise en perspective historique qui permet la réintégration de tous les je dans l'espace et le temps, ça revient à dire que nous ne pouvons pas traiter d'un sujet sans parler de tout ce qui se présente autour de ce sujet, d'où ce fort sentiment d'une existence toujours précaire
19 - dans l'incertitude et l'incomplétude, c'est pourquoi toutes les manifestations humaines répondant alors aux questions de ceux qui cherchent des solutions l'imagination pouvant multiplier la forme de leurs actions tout être humain doit construire son échafaudage pour que l'humanité puisse construire le sien, c'est en ce sens que s'incarne chaque expérience individuelle, c'est comprendre au-delà des savoirs et parler avec sa voix, de l'intérieur à l'extérieur, et c'est dans ce sens là que je vois la place du spectateur dans mon travail, nous n'abandonnons pas qui nous sommes pour rencontrer le travail de l'artiste mais nous utilisons le travail de l'artiste pour rencontrer qui nous sommes, et même si nos expectatives conditionnent forcément nos processus d'observations l'art dans ce sens révèle toujours beaucoup plus que ce que l'on voit, ce qui revient à dire que l'œuvre dépasse largement son objet, bien au-delà de son espace et de son temps de
20 - réception, comme un moment étiré encore non déterminé, dans ce contexte mon travail répand une dimension naturelle, son processus de croissance défini par son mouvement sa matière et sa lumière caractérise et désigne aussi le souvenir actif qu'il imprime au lieu qui le reçoit comme à tout ce qui s'y passe, c'est pourquoi je situe mon travail comme une forme d'arpentage de terrains de rencontres, cela revient à dire que je marche autour du monde, c'est tout simple, en quelque endroit que je sois je découvre l'horizon, j'ai de nouvelles sensations, et dans ce sens la condition de cette installation paraît indifférente à tout contexte qui l'a construite parce que si les lumières des télévisions nous offrent des images à la mesure de leurs temps elles n'échappent pas aux dévoilements de l'existence dans la non mesure du temps, elles sont tout à coup des actions dans l'univers au milieu des foules humaines parce qu'au fondement de toute chose évidemment se
21 - trouve le temps pour transformer les énergies, et notre remarquable liberté apprend cette étonnante vérité, probablement comprise depuis la plus haute antiquité, que nous nous étendons depuis notre singulière solitude pour avancer sans fin vers les bords toujours infinis de notre monde dans lequel magiquement doucement les uns avec les autres nous pouvons apercevoir le centre de gravité qui nous unit, et la force du pouvoir de l'artiste dans la réalisation de toutes ces dimensions dans cet espace en expansion dépend alors forcément de la question de temps, et je trouve qu'il est préférable d'en donner des dimensions encore plus considérables, c'est pourquoi lorsque je pense ma pensée comme disait Mallarmé ce qui me paraît insignifiant structure aussi mon présent, lorsque les horizons les plus simples m'éveillent c'est encore une forme de prolongement de l'espace et du temps, une forme d'addition de vies singulières, comme dans ces émissions de divertissements qui
22 - remplissent nos écrans de télévisions dans lesquelles il y a beaucoup de monde avec beaucoup d'audience devant, parce que dans toutes ces émissions voyant tous ces visages on voit du temps, et si nos pensées fonctionnent activement lorsqu'elles sont ajoutées à la gratuité du monde et de ses agitations ce qui advient en cet instant s'ajoute au provisoire inévitable de ce moment qui le contient, et ça c'est la conscience de notre présence, quelle que soit la qualité des acteurs en scène dans la représentation, je veux dire que tout y implique la musique ressentie lorsque nous écoutons ce que nous établissons de correspondances entre les situations, et que lorsque donc nous voyons toutes ces représentations de personnes dans ces sculptures ou ces projections nous mettons alors en mouvements tout autour de nous de longues histoires dans lesquelles les identités se croisent, comme si nous mettions en scène toute la condition humaine, depuis ses débuts jusqu'à celle
23 - d'aujourd'hui pour atteindre celle de demain, et si nous additionnons les voix de tous les hommes de tous les temps pour sortir ainsi des lieux communs c'est pour mieux entendre chaque voix et ses particularités, et là j'affirme une présence totale, immédiate et sans nostalgie, parce qu'il faut entendre, en portant nos regards sur ce passé comme ici dans ce musée rempli de toutes ces sculptures et copies antiques, que tout processus possible doit être perçu comme une initiative particulière éphémère au milieu d'une stratégie globale pour nous grandir, et si nos perceptions humaines avec toutes nos formes de mémoires conservent vivantes nos relations aux contextes qui les reçoivent l'art peut facilement rejoindre les bruyants phénomènes de masse comme ceux tout autant consensuels des phénomènes culturels, et si les phénomènes de masse figurent pour les rendre nécessaires les effets tout autant que les causes et si l'art aux dires de Duchamp n'est qu'un
24 - petit jeu entre les hommes de tous les temps, c'est alors et c'est toujours la distance entre l'universel et le particulier qui non seulement peut fonder ce que nous faisons mais surtout le faire exister, et c'est pour moi un regard qui offre un devenir insoupçonné parce que si nous voulons bien regarder ce qui peut se passer l'expérience vécue y suggère les dimensions de notre présence dans tous les sens, c'est une forme de noble bravoure je dirais parce que le monde ne refuse rien à la vie pour atteindre l'humanité, cela signifie qu'on se trouve en présence d'infinies possibilités dans de multiples et différents registres de vie, c'est pourquoi l'histoire de l'humanité pourrait alors se jouer comme une musique d'ambiance derrière celle de chacun mise en avant, comme l'eau qui coule dans la rivière et c'est tout à fait naturel, c'est une forme de respiration, peut-être même l'harmonie du monde dans laquelle nous voyons bien que par tous nos savoirs accumulés depuis les début de
25 - l'humanité toutes les existences par leurs additions dans le temps forment un corpus de territoires nouveaux à chaque pensée sincère émise par celui qui sait tracer son chemin, et que le temps, avec ses hasards et ses certitudes, en même temps justement que l'espèce humaine avec son travail dans ses recherches et ses découvertes, additionne forcément dans ce contexte, c'est pourquoi mon travail additionne, il additionne du temps, des images, du son, comme ces phrases que j'additionne au jour le jour sur l'écran de mon ordinateur et dans l'installation de cette exposition la construction mosaïquée des cinq cents films additionnés projetés sur tous ces corps de plâtre, et tout ça bien sûr affiche quelque chose de particulier, d'irréductiblement particulier, notre propre singularité au milieu de celles de tous les autres à toute époque et tout endroit, la leçon c'est que nous n'avons pas à craindre le temps, parce qu'il agrandit généreusement toutes nos surfaces de
26 - respiration, c'est pourquoi je veux savoir qu'il y eut des hommes avant moi, et dans ce contexte la télévision comme tous les grands médias montre un besoin comme une affirmation sans finalité de remplir un vide, celui qui contient tout ce qui peut être créé, ces « Visionnages » que j'en tire n'agissent pas autrement, ils sont des images de processus de vie que je mets en chantier par mon imagination, toutes ces additions deviennent alors forcément très sonores mais c'est beaucoup plus comme le doux bourdonnement des insectes en été que le bruit violent de la vague dans l'océan, c'est au final juste un doux instant dans cette situation, parce que la voix du monde ne réclame pas l'adhésion mais la participation, alors, sans préjuger d'aucun comportement, nous devenons des visiteurs de tous les rêves humains parce que toute voix bien au-delà des mots nous raconte ce monde qui la contient, c'est pourquoi tous ces bavardages de tous ces gens dans ces émissions du
27 - monde entier énoncent peut-être des désirs à l'infini, la non compréhension de ce que disent ces voix additionnées c'est pour moi l'espace du temps qui additionne toutes les actions qui les produisent, et ce que révèlent finalement toutes ces voix c'est un flux de consciences dans lequel chaque voix particulière peut alors additionner son propre point d'interrogation sur la vie et toutes ses questions, et c'est dans cette idée d'un sens de l'espace par additions que nous pouvons voir dans tous les sens, bien au-delà du connu de tous, c'est une vision mosaïquée du monde et de tout ce qu'il contient, nous y entendons toutes les voix humaines comme une idée du réel libéré des limitations parce que nous savons très bien qu'une infinie multiplicité de possibilités crée toute l'histoire des créations de toute l'humanité, c'est pourquoi nous sommes et serons toujours dans un provisoire permanent, juste dans un moment du chantier de l'univers, c'est l'histoire de notre présence au
28 - monde et c'est le pouvoir de notre imagination, quelles traces donc pour ce passage de nos activités?, quels regards pour tous ces regards?, quels images à développer?, cette installation par exemple qui veut penser la lumière de notre monde à tous les âges de notre monde avec ces voix superposées entendues en dehors de toute langue c'est juste une déambulation, c'est juste pour dire qu'il y a quelqu'un, juste peut-être une idée d'inventions de nouvelles subjectivités, parce qu'il est décisif que la continuité de toutes nos activités depuis les temps les plus anciens soit prise en compte non pas dans sa fonction historique mais bien plutôt comme un agrégat d'actions si vous voulez, comme une galaxie au milieu de centaines de milliards d'autres galaxies si nous savons accepter de considérer le temps comme un discours sur le silence sans rien attendre de son déroulement, et puisque nous sommes bien peu de vivants pour tous les morts de l'espèce humaine
29 - cette interprétation là n'est donc pas séparable de l'idée d'un passage rattachant selon différentes procédures le temporel à l'universel, et dans ce sens nous sommes dignes de la création même de la vie chaque fois que nous permettons la victoire de forces immédiatement opérantes pour la construction de notre évolution, et c'est une situation franchement sans équivoque parce que la responsabilité que nous y déployons y atteint lumineusement la splendeur du propriétaires de ses pensées, ça veut dire que la mise n'est jamais celle de la dernière partie et que je pense ailleurs à travers ce que je connais et ne connais pas encore, ça veut dire et que dans mes créations je laisse mes traces comme des partitions selon les circonstances pour librement explorer la situation, j'y vois alors mes objectifs et leurs expressions sur mon visage comme des figures jamais anonymes dans l'expérience de mes responsabilités, et parce que cette situation précaire construit alors une
30 - dimension imaginaire j'aimerais que chaque vision subjective sur cette œuvre puisse définir des changements profonds de perceptions, peut-être une forme de réconciliation de soi avec soi, l'œuvre pouvant fonctionnant comme l'interface de ce moment de connaissance, parce que lorsque les langues s'additionnent et se croisent on peut chanter sur bien des rythmes et des tons pour trouver son propre la, c'est que la mobilité comme l'immobilité de nos corps et de nos esprits semblent effectivement bien chaotiques lorsqu'elles dépassent notre compréhension, et si donc nous voulons vivre ensemble pour comprendre nos actes avec notre confiance et nos exigences et nos murmures pleins de tout ce qui nous trotte dans la tête c'est-à- dire nos progressions et toutes leur nécessités nous devons obtenir de singulières possibilités en supposant rendre compte justement des eurêka de toute cette humanité, parce que toute cette histoire de l'humanité que nous regardons
31 - depuis ses origines traverse chacun de nos actes, la production de quelqu'un d'un temps et d'un lieu sur le globe peut toucher quelqu'un d'un autre temps et d'un autre lieu sur le globe et dans ce jeu du maillage de la libre circulation des pensées et de leurs regards l'art nous récompense sur les sculptures de nos dieux antiques comme sur les images médiatisées qui circulent aujourd'hui, c'est pourquoi à l'intérieur de ce large contexte je ne peux produire des plaisirs à des fins artistiques que lorsque seulement je sais les cueillir dans ma vie, et lorsque dans cette installation je pioche des fragments cueillis dans la surcharge d'informations périssables que nous envoie les télévisions je sais que tous ces territoires que je rassemble en les tissant continuent la partie commencée depuis les débuts de l'humanité que l'on voit ici avec les sculptures de l'Antiquité, autrement dit je sais que l'énergie nécessaire au dynamisme de la vie sait qu'elle est nécessaire à la succession de toutes le
32 - vies, et c'est dans ce sens que la disponibilité de l'œuvre à s'offrir aussi bien dans le temps que dans l'instant transforme qui la perçoit, dans ce moment dans lequel chaque être et toutes ses possibilités peut exister, chacun apportant son énergie de création au contexte qui l'environne, ce que je veux dire là c'est que toutes les capacités transformatrices de l'acte de création génèrent une idée de l'homme et de son humanité, c'est une forme de force consciente dans l'universel mouvement qui nous pousse à créer pour aller de l'avant, nous voulons élargir l'espace pour élargir le regard, et si toutes ces voix qui parlent en même temps sont pleines de couleurs, des couleurs personnelles, politiques, économiques, religieuses, banales et même souvent complètement idiotes, elles sont toutes, absolument toutes, un flux d'énergies lancé dans l'univers, c'est donc encore le côté visible d'une situation de flux qui se découvre ici, voilà pourquoi il nous faut créer maintenant
33 - l'enchantement même dans tous les domaines de la vie et les systèmes de connaissances, c'est le sentiment d'un univers sans fin qu'il nous faut construire à partir de la multiplicité qui nous entoure dont aucune évidence ne pourra jamais en dessiner les contours, et chacun donc peut jouer sa partition lorsque le sens de tout ça semble vouloir aller dans celui de la vie, c'est une sorte de forme perpétuelle jamais définitive mais toujours active, comme dans cette installation par exemple dans laquelle le visiteur à tout moment peut ajouter son mot, regardez les micros qui y sont installés, c'est là le point de départ de toute interprétation, c'est ce que j'appelle ici la limite renouvelée, c'est-à-dire que chacun trace le chemin qu'il parcourt et la mémoire ensuite peut enregistrer, le monde donc additionne et pour ça nous avons des systèmes d'introductions individuels et collectifs à cette manière de nous manifester ensemble, comme une immense infinie
34 - performance qui n'exclut rien, depuis même la bêtise et l'idiotie jusqu'aux normes culturelles souvent tout aussi ridicules et grotesques, et si nous additionnons toutes ces pensées pour ne pas les exclure et les séparer c'est parce que toutes ces probabilités de rencontres permettent d'éviter l'irréductibilité de toute forme de pensée émise quelque part dans l'espace et le temps, et ça c'est une idée plutôt amusante et rassurante parce qu'elle nous préserve de bien des dangers, par exemple toutes ces images des gens d'aujourd'hui comme un vêtement d'aujourd'hui sur les corps des idoles d'autrefois répondent à cette probabilité de rencontres imaginées, si toute civilisation invente ses mythes pour fédérer ses participants autour de ses événements nos médias d'aujourd'hui distribuent de partout dans le monde les mythes d'aujourd'hui et ma curiosité se promène dans cet univers, et dans ces conditions mon travail artistique s'opère au milieu des éléments les plus variés d'un
35 - contexte essentiellement arbitraire pour déclencher certaines possibilités, c'est pourquoi nous n'éprouvons pas un sentiment d'inéluctabilité devant mon travail, je veux dire que ce qui est là pourrait ne pas y être comme ce qui n'y est pas bien sûr y être, c'est plus un jeu d'ouvertures, comme des interactions toujours possibles, c'est comme de fragiles dessins dans le sable éparpillés sur toute la planète qui seraient vus et réunis en même temps dans le même espace par satellite, je veux dire que je livre simplement des traces de mon activité dans lesquelles on peut dépasser toute forme d'interprétation et dans ce sens l'idée d'une valeur esthétique peut recouvrir une infinité de possibilités, par exemple toutes ces images des gens de la télévision d'aujourd'hui dont la plupart vont disparaître dans les poubelles du temps je les extrais de leur contexte et les détourne comme une remarquable approximation en considérant ce qui m'entoure parce que si dans le domaine du
36 - divertissement la télévision veut fabriquer des gens « dans le coup » comme disait Marshall Mac Luhan, la véritable action artistique sans modèle d'explication n'épuisera jamais le brouillage de distinctions entre tous les genres des pratiques humaines que nous connaissons, il suffit d'additionner pour voir et bien entendre tout cette humanité, ce n'est pas compliqué, parce qu'en dépassant les images et les choses auxquelles nos pas nous ont conduit nous offrons aux regards de vivantes sensations pour dépasser les frontières et les limites crées par les hommes de tous les temps et de tous les lieux, et si donc ce qu'ils disent et font s'ajoute à ce qu'ont dit et fait les hommes depuis les débuts de l'humanité comme à ce qui sera dit et fait dans la suite de l'histoire de cette humanité, cette forme d'addition c'est quelque chose de merveilleux parce que tout le monde peut y placer sa voix, elle devient une forme de molécule sonore dans la texture du temps qui la contient et
37 - n'importe quelle personne dans sa première intuition peut y trouve la source de son imagination, par exemple les histoires des dieux et déesses de l'Antiquité afin pour les hommes de ces temps de se protéger contre eux-mêmes agissent les unes sur les autres comme un tuilage de matériaux pour construire un commentaire sur l'existence, de même tous ces visages sur nos écrans d'aujourd'hui s'agitent aussi comme une respiration, celle de toute l'espèce humaine depuis ses débuts dans l'univers et c'est ici que je place une certaine signification de mon travail pour énumérer ses apparences toutes éphémères et passagères, c'est-à-dire que je dois pourvoir à l'introduction sans équivoque de catégories complètement assumées à titre personnel mais jamais collectif pour envelopper l'univers de toutes nos œuvres humaines, c'est ici le hasard des combinaisons comme autant de géométries de significations, il ne s'agit donc pas, vous voyez, d'une démonstration
38 - pratique mais bien plutôt du désir d'accrocher des tableaux de notre époque pour aussi regarder ceux des autres époques, c'est juste une question d'échelle pour regarder les limites de validité de nos expériences d'aujourd'hui, c'est-à-dire que le découpage temporel capable de faire œuvre intègre beaucoup plus que son propre contexte, c'est comme l'oiseau qui a besoin de l'air qui l'entoure pour voler, c'est pourquoi donc la somme de tous les êtres de la Terre depuis ses débuts habités ne signifie rien d'autre que la possibilité d'élargir notre regard au-delà de notre existence, ce qui veut dire que notre espace temporel d'existence nous glisse entre les doigts bien au-delà du simple temps de notre existence, autrement dit le sable qui s'échappe de notre main reste sable comme chaque bref instant de notre existence que nous tenons en main dans l'immensité du temps qui le contient, toutes les situations donc que nous vivons tentent de produire un champ d'explorations bien au-delà
39 - de chaque situation, le temps dans ce sens dissipe toute forme de réduction, c'est comme la promenade des molécules et de leurs histoires, une forme de remplissement plutôt que de remplissage parce que ça réalise quelque chose mais quelque chose qui ne communique rien, ce sont juste des juxtapositions et des superpositions pour des situations provisoires, donc on voit bien la simplicité de ces actions dans la mesure du temps, ce que nous expérimentons nous occupe alors comme une technique de montage et c'est dans ce sens là que les relations entre les époques sont traversées par le jeu de l'art qui se transforme en besoin d'art pour les réunir et les rendre visibles, donc on voit bien que l'échelle d'existence définie par toutes les pensées additionnées n'appartient pas uniquement au moment qui les produit puisque nous sommes bien peu de vivants pour tous les morts de l'espèce humaine, donc il faut poser la question de savoir comment nous savons habiter le
40 - monde où nous sommes et pour ça nous devons observer à tous les niveaux de descriptions les dimensions que nous créons, c'est de ça dont je veux parler dans cette exposition, de cette absolue nécessité au milieu de ce culte des incarnations collectives depuis nos dieux et déesses d'autrefois jusqu'à nos idoles clinquantes d'aujourd'hui, dans ces formes de conformismes des comportements alignés sur les modèles collectifs, de cette absolue nécessité je disais de savoir imaginer sa propre singularité pour savoir avancer, comme sous un magnifique ciel d'été avec seulement quelques nuages pour achever le tableau et sous lequel donc nous ne manquons pas de sensations, ainsi je rédige ces notes que j'additionne librement sans autre ordre que leur arrivée dans ma pensée, voici donc mes regards, hasardeux, très incomplets, on peut dire que je suis presque dans un autre temps, dans un autre lieu, mes émotions et mes pensées me donnent ma condition d'individu dans ma
41 - réalité enthousiaste et fragile à la fois, j'y multiplie les approches de mes constructions et forcément c'est un parcours à plusieurs dimensions, parce que rien ni personne n'échappe à cette construction spatio-temporelle de son existence et de ses expériences, et c'est ce que peut vivre le visiteur dans cette installation lorsqu'il détermine comme un voyageur dans un paysage médiatique sa durée de l'œuvre pour traverser la structure chorégraphique des 500 films projetés sur les corps des statues antiques, l'image du monde en forme de mouvantes tapisseries très colorées y aiguise notre perception, les ondes envoyées par les images de nos écrans développant cette sorte de transmission médiatique le visiteur peut alors découvrir la façade de son visage et c'est une forme d'hommage à la liberté de ses mouvements et de toutes leurs sonorités pour marcher jusqu'aux rivages de l'éternité, il s'agit bien ici de voir les existences reliés et solidaires comme signifiant
42 - l'existence et ça c'est une dimension indispensable à la connaissance des attitudes humaines, et c'est alors je trouve une promesse pour toute l'humanité parce que toute forme d'action retourne à l'univers qui la contient, et c’est ça, ce dispositif, des opérations qui se poursuivent jusqu'à l'infini de la multiplication dans lequel tout se tient, j'agrandis donc sans hésitation l'échelle de mon regard si je dis que je veux voir ma pensée toute entière regardant l'univers qui la contient, c'est une effervescence du visible comme une cohabitation de temps différents et c'est peut-être aussi quelque chose comme une grammaire universelle sous des éclairages différents, tous mes systèmes de création s'efforçant de mettre ensemble tous les éléments de l'expérience j'additionne alors tous ces portraits avec une absence totale de centre fondamental, chaque formule particulière à cet égard trouvant sa solution chacun peut donc écrire et dire son existence sur ce bruit de fond du monde qui tous nous réunit, et c'est dans ce
43 - contexte là que j'interviens, parce qu'il n’y a pas de réalité en soi le véritable engagement artistique selon moi reste celui qui produit une métamorphose du réel bien au-delà de son territoire, il y a seulement ce que nous faisons de ce que nous voyons, et lorsque nous créons pour affirmer notre humanité, chaque individu pouvant sans crainte vouloir dire sa présence dans sa langue et ses expériences, c'est montrer un fragment de soi, un peu en tous cas, et ça c'est la vie, pas simplement une représentation de la vie, c'est un regard qui considère l'existence et sa conscience dans la constitution de nos expériences de nous-mêmes comme une manifestation du temps qui nous contient, la simple apparence des choses et des gens c'est seulement un processus mental que chacun nous construisons parce que c'est beaucoup plus avec la conscience de l'expérience qu'avec sa seule compréhension que nous traversons cet espace entre l'ignorance et la connaissance, et si la
44 - voix de l'univers y parle de différences entre la vitesse du modèle et celle de l'image reproduite notre imagination peut facilement y écrire les autres possibles, et là je vois tant de choses à accomplir, j'y vois l'infinitude de ma pensée dans ce monde que nous traversons avec tout ce qui a lieu en même temps qui forcément peut transformer nos responsabilités, comme avec par exemple la masse de ces émissions d'ambiance populaire que j'ai utilisées pour cette installation, elles produisent rapidement une forme d'enveloppe univoque du temps que nous vivons mais ces phénomènes communs attirent l'attention sans pourtant être vidés d'émotions et ce qu'il est possible de dire à côté de ces émissions constitue la jouissance de notre liberté lorsque nous cherchons à définir notre satisfaction, c'est ici de cette manière et de bien d'autres l'histoire de notre présence au monde dans son infinie répétition, une histoire d'énergie radiante à laquelle nous participons
45 - quelque soit le temps que nous vivons, et cette ouverture du temps devient rapport à soi-même au milieu des autres, finalement ce qui m'entoure ne peut échapper à ma création lorsque je m'en libère et cet affranchissement multiplie les justifications des formes de libertés que je voudrais créer, voilà pourquoi il nous faut imaginer maintenant l'enchantement même dans tous les domaines et tous les systèmes de la connaissance, il nous faut savoir mettre en action le mouvement expansionniste de nos créations quelle que soit la situation, il nous faut toujours explorer au-delà de notre condition, c'est encore le pouvoir de notre imagination, et j'aime dans ce sens l'idée d'une interprétation de mes œuvres comme une partition que chacun peut lire et transcrire à sa façon, c'est ce qui se manifeste à nos consciences et donne sens aux expériences de nos corps et c'est bien pour ça que savoir quelles expressions de vérités on peut trouver dans cette exposition nous emmène
46 - essentiellement à nous-même, bien au-delà de ces représentations de la mythologie incarnée ici dans les sculptures et soumise aux noms de ses voyageurs et bien au-delà de l'énergie envahissante des images des médias d'aujourd'hui et de leurs mouvements permanents, en fait, plus simplement, la vie donne et reçoit son mouvement comme un triomphe de vérités, vérités au pluriel, parce que le monde s'observe en beaucoup de formes, et ce qui donc alors nous est commun c'est le sens d'une expérience du monde pour nous convaincre de la vie qui s'accomplit, ce n'est pas seulement une acceptation mais bien plutôt une capacité à mieux cerner notre espace individuel et singulier, ce réel de chacun dans ce réel universel qui tous nous contient, et lorsqu'en retour je sais voir autour de moi l'universalité dans toutes ces particularités je sais que le temps généreux y attend ma confiance, et mon assurance aussi, et ce temps, passé à rêver mes œuvres, à observer, et à faire, dans le silence et
47 - dans le bruit, je le trouve tellement agréable et tellement dynamisant parce que je sais qu'en d'autres lieux se constituent tout autant de découvertes de soi, et lorsque je considère ces moments de chaque vérité personnelle et de ses volontés avec toutes ses intuitions au milieu de celle des autres, toutes ces réalisations, même incertaines, projettent un sentiment de bonheur très intime, elles construisent par parties l'échafaudage qui peut tenir le monde parce que toutes nos créations à cette échelle, même les plus fragmentaires, peuvent promouvoir en s'additionnant dans le temps non pas comme un instinct de survie mais bien plutôt comme une forme de lumière vers la beauté de nos vies, j'y vois alors, fragmentés et restitués, les scénarios en simultanés de toutes nos histoires privées, ces formes de connaissances intimes qui consistent à bien savoir de quoi nous voulons remplir le monde, et c'est bien pour ça que je veux dans cette exposition mêler toutes les voix du
48 - monde, pour sortir des lieux communs en offrant à chacun son regard sur la sienne au milieu de ces 500 films et de leurs sons, et parce que ces présences simultanées manifestent des notions de temps et d'espaces comme des inscriptions ou plutôt des notations de quelque chose pour atteindre à l'infini toute cette attention nous enseigne alors une certaine vision du monde, une forme de danse de l'humanité au milieu de ses échafaudages et des chantiers qu'elle investit, c'est là que circule entre le ciel et moi ce bruit de fond du monde que je prends comme un répertoire à disposition qui mérite toute mon attention, c'est l'image toujours neuve et colorée de l'existence qui m'offre des visions pour avancer et c'est à chaque occasion comme une vérification de ma propre existence dans laquelle ma parole se perd et se libère pour traverser l'espace et le temps, c'est pourquoi nos particularités deviennent essentielles dans la nature universelle et toutes ses combinaisons, toute
49 - les formes d'écritures pouvant alors convenir pour dire où nous en sommes au milieu de ces fragments de vie dispersés non par la force des choses mais par la poésie des choses, et dans cette danse de l'humanité, dont nous pouvons apprendre et profiter au milieu du silence et du bruit comme des surfaces où peuvent se dessiner nos vies, toutes les propositions renforcées à tout moment par toutes les imaginations du monde mettent ensembles tous les éléments mais aussi tous les acteurs de la scène pour savoir les voir et les questionner, et c'est pour moi un fait remarquable et significatif, c'est quelque chose qui permet beaucoup de possibilités de continuité pour déterminer quelles sont effectivement nos situations d'actions qui toutes dans le temps pourraient avoir lieu en même temps, c'est vraiment une forme d'existence pour éprouver la force et le plaisir de nos moments ajoutés à tous ceux d'ailleurs pour d'autres en même temps, et qu'importent alors
50 - les noms de tous ces dieux et déesses incarnés dans ce musée, qu'importent de la même manière tous ces gens qui s'agitent sur nos écrans le soir à l'heure du dîner, parce que tout autour de nous le temps et son espace apportent généreusement de surprenantes formes de réponses à nos intentions, et ça c'est vrai pour pour n'importe quelle personne dans toutes ses démarches et ses pensées, voilà pourquoi l'homme quand il décide de vivre peut se réjouir comme un enfant quand il décide de jouer et voilà donc pourquoi je dis que c'est très simple de mettre ensemble toutes les sonorités du monde et de dire clairement qu'il n'y a pas de sens à comprendre mais à construire comme on veut, parce que lorsque nos voix se croisent et s'additionnent ça pose la question pour chacun de son attitude individuelle en laquelle il peut avoir confiance, et ça c'est l'histoire de notre présence au monde dans son infinie répétition, c'est là toute la force et la beauté de notre humanité.
Copyright © Pierre Pilonchéry 2009
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