PIERRE PILONCHERY
Quelques Lieux Précaires version 2, 1996
QUELQUES LIEUX EN MEME TEMPS
( UN EPISODE EN PASSANT )
Pierre Pilonchéry
1999
Le texte " Quelques Lieux en même Temps ( un épisode en passant ) " additionne des notes de travail d'une période charnière qui clôturait "Les Cousages", revisitait "Les Remplissages", expérimentait "Les Texturages" et débutait "Les Publicitages". Il s'articule autour de la question du temps pour élargir le regard à celle du geste créatif comme nécessité d'existence au milieu du monde et de ses composants.
Quelle est la valeur du temps? Rien n'est jamais déterminé pour l'homme dans son théâtre d'espace et de temps et je ne peux pas en finir avec l'interrogation de mes choix dans mes tentatives et gestes de créations sur cette question-là. Ils sont une partie de phénomènes qu'en fait j'aurais pu tout aussi bien tisser autrement même par exemple sous formes de plaisanteries pour que les gens comprennent avec plus d'amusements comme en cherchant à mieux voir dans un microscope. Si je tiens donc à manifester quelque chose c'est toujours ce sentiment permanent de vacuité diffractée et c'est sûrement par nécessités non seulement artistiques mais aussi vitales que j'ai activé des processus de créations pour atteindre l'observateur parce que le thème dérisoire de tout mon programme vers cet horizon triomphal sur cet échiquier provisoire de l'existence c'est l'incertitude comme seul principe engagé pour me tenir éveillé et pouvoir continuer. Peut-être trouvera-t-on grotesques toutes ces pages, comme une existence littéralement en morceaux, une philosophie labyrinthique, mais je ne suis pas inquiet parce que dans ces situations à la fois géniales et banales je ne peux rien créer d'autre que ces additions avec toutes leurs digressions. Coudre ensemble des moments dans l'histoires du monde fait muer le temps en autant d'espaces de solutions que de moments enregistrés. Voilà donc les dimensions de ma théorie, des images réunies provisoires complétées d'autres objets différents dans leurs autres questions, comme peut-être des phénomènes mathématiques en expansion infinie. La formule, pour interpréter ces partitions avec tous leurs processus en actions, exige de l'espace et du temps comme des sortes de modulations, des formes reflétant l'imprécision, les formes ouvertes d'un esprit nomade avec leurs aspects multipliables à l'infini. Dans tous les cas ce n'est donc jamais un mouvement en fin de course mais plutôt une douce insurrection vers quelque chose en avant vers quoi se déplacer. Au début, dans ce mouvement, la conscience reste muette, souvent même animée de distractions invraisemblables, mais pas vraiment subjectives, seulement actives, puis elle continue dans une profonde solitude, avec quelque chose de tranquille, comme des prétextes à s'étonner, ou bien à se montrer. On y trouve alors le charme de la nouveauté, plutôt de l'ordre du pressentiment que d'un choix raisonnable. Et c'est voluptueux ce territoire, à la fois fluide et dense, sans cesse en connexion avec l'origine de nos références et pourtant en même temps comme une addition de points dont les données ne présentent aucun modèle, bien loin d'un système duquel sortirait une valeur déterminée avec des pensées assurées mais plutôt dans la tentative d'une pensée libre cheminant vers d'autres considérations, vers d'autres directions, différentes et toujours à revisiter, peut être à regarder comme des manifestations singulières d'un point de vue global à partir d'ici pour essayer d'observer, de créer, et donc d'exister dans un monde nécessairement étonnant, comme une propagation généralisée de tentatives de moins en moins et de plus en plus équivalentes en même temps, comme sous l'effet d'une peinture belle et fascinante qui ne peut pas laisser indifférent quelle que soit son lieu et ses conditions d'exposition. Même dans l'indifférence nous devons laisser un signe de notre passage parce que le regard accordé à chacun par chacun est une effervescence du visible pour toutes nos existences et leurs développements. Avec l'exploration de toutes ces formes de langages, ce que nous disent les ressemblances et les différences des configurations individuelles, tout laisse penser que se joue régulièrement dans le monde entier le même film du miracle impossible ou possible que nous voulons vivre et comprendre parce que.la question de savoir qui écrit le monde sous nos yeux a besoin d'être expérimentée en liant notre parole à l'oeuvre de création du monde entier. Nous sommes tous et toujours des contemporains, c'est là peut-être un sens à notre présence dans cet universel champ d'énergies et lorsque nous arrivons à la frontière rien de tel que de poursuivre son chemin. Nous rencontrons alors des gens qui nous parlent, nous écoutons des télévisions qui s'agitent, nous apposons nos signatures, nous regardons tous ces autres soi-mêmes et sous l'effet de l'excitation nous sommes mis à nu mais nous ne sommes pas désemparés, bien au contraire. La plupart du temps tout le monde est excité, tant de choses à faire, chacun y va de sa construction. C'est pourquoi nous devons continuer notre voyage et franchir la danse de notre époque. C'est pourquoi j'installe ma musique et ses variations,
des détails de la vie qui collent aux mots avec des regards qui peuvent absorber toutes les situations,
des images en concerts sans obstructions ni conventions,
la surface du monde vaste et mobile avec le temps qui remplit l'espace de nos promenades comme une page blanche au-delà même de l'horizon visible proche ou lointain,
ces nuages qui flottent avec un tel naturel qu'on peut comme des enfants y voir des représentations mouvantes et surprenantes,
tous ces virtuels quelques choses aussi qu'avec soin je m'efforce d'enregistrer comme des additions de pensées, comme des partitions dématérialisées à recomposer avec des fonds de tiroirs qui deviennent un jardin des délices,
la relativité très générale qui de partout nous englobe et nous tient comme dans une promenade sur les bords du cosmos immense indestructible et finalement incompréhensible,
des choses aussi très habituelles et parfois même des chapitres douloureux avec l'agitation du subconscient et l'exception solitaire comme la mise en mémoire de tous nos autoportraits,
alors nous n'avons finalement aucune raison de rester assis trop inquiets pour soigneusement conserver nos différences, nous ne jouons pas le rôle de rescapés, simplement ce que je veux dire c'est que dès le début nous devons choisir notre nom pour affirmer chacun notre idée de création. Et lorsque nous entrons dans la conscience d'un devenir au centre du temps cette mise en évidence déclenche dans le silence et le bruit quelque chose comme une exaspération d'échos, comme une tapisserie tout aussi bien à l'envers qu'à l'endroit, comme une égale et inégale alternance jubilatoire dans une volonté d'existence avec et sans valeurs communes. C'est une pratique du temps comme un infini regard bienheureux. C'est l'acte créatif c'est-à-dire la mise en place d'un espace grand angle qui démonte et remonte le temps, un éclat du moment combinant des présences et des instants sans décor ni métaphore. C'est la mesure du monde déployé par la mesure de soi-même, un panorama global de l'urgence individuelle. Toutes les histoires peuvent être écoutées, tous les romans se jouent sur des domaines multiples et variés, c'est la question du destin et de son ambiguïté et nous savons bien que dans les rêves les faits importants ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Et si vu de loin l'ensemble paraît plutôt régulier, vu de près tous les détails écrivent la pièce de nos portraits. Mettre en scène des fragments comme une multiplication de tout et de rien c'est une posture décisive pour nous désengluer de beaucoup des évitables réalités psychodramatiques. Et si pour restituer la vie les épisodes sont fragmentaires d'autres versions sont donc toujours possibles, comme des partitions qui permettent plusieurs interprétations. Tous les contextes inscrivent leurs données pour recevoir l'oeuvre et son action. La goutte d'eau qui tombe enregistre l'attitude de celui qui la voit pour l'entendre, son propre reflet dans l'univers qui la contient. Ce qui donc régit les codes matériels et immatériels de mon acte de création ce ne sont pas des réalités techniques et compositionnelles mais bien plutôt des postures et des processus de mises en actions pour avancer dans mes créations. S'il n'est pas facile de présenter un résultat définitif parce que bien d'autres mises en scènes peuvent être présentées, chaque oeuvre comme un évènement juste à cet instant prend l'allure d'un amas déployé temporairement combiné. C'est ainsi que j'arrive en un certain lieu où tout est présent sur la grande scène. et c'est voluptueux. Voilà plusieurs dizaines et même centaines de milliers d'années que chacun va chercher les plus belles choses pour occuper et traverser tous ces lieux connus et inconnus, des tas de langages y sont à l'oeuvre pour continuer cette grande revue, tous les mots y ont été inventés et continueront d'y être inventés ou transformés, et tous ces éléments repérables ou pas nous attendent. Je me déplace dans un cadre ouvert et je n'oublie pas la camera qui enregistre le cadre dans lequel se déroule la partie. Je vois tout autant la fleur dans le jardin que le jardin empli de fleurs. C'est la réalité à la fois fragmentaire et totale sous tous les angles et en tous lieux dans le même temps. Je peux donc ainsi insérer la description réelle ou imaginaire du décor dont le choix importe peu puisque la meilleure solution consisterait en juxtapositions et même superpositions de tous les décors possibles où et quand que ce soit. Le sens du temps tissé dans cet espace élargit le regard parce que même si nous situons notre grand roman dans l'histoire notre imagination peut écrire d'autres possibles pour tracer les chemins de nos existences. C'est parler de tolérance et de l'univers. C'est le vieux rêve d'un grand livre scientifique efficace dans l'inscription d'une mémoire expérimentale éprouvée par tout ce que l'on y trouve,
des enregistrements de tous les savoirs en dehors des savoirs compartimentés,
une vision comme une tour de Babel à jamais inachevée,
le temps si lourd si léger dans lequel nous sommes tous invités, chacun y écrivant sa propre musique pour une symphonie d'ensemble aux surprises infinies dans une telle multiplicité,
ce roman pas vraiment narratif avec toutes les oeuvres d'art du monde comme autant d'hommages à toute l'humanité et tous ces gens qui les rencontrent et font alors partie de chaque oeuvre où que ce soit dans l'espace et le temps,
tous ces points que nous habitons sur la surface du globe avec toutes les paroles humaines à notre disposition,
le plaisir que nous prenons dans n'importe laquelle de nos activités avec des bouleversements comme des réveils capables de transmettre des prétextes à l'existence,
les cycles cosmiques astronomiques appliqués aux expériences terrestres,
le traitement immunisation mentale contre l'industrie avancée des inquiétudes peurs angoisses commercialement développée dans le tissage analgésique du code social,
les image qui ne sont pas fidèles,
comme des fonds sonores tout autour, toutes les forces et les faiblesses de l'immensité humaine avec ses vestiges généreusement confiés à notre connaissance,
tous les angles de prises de vues avec un projecteur sur des réponses à nos désirs infinis et dans le même temps notre conception raffinée d'un regard iniquement orienté,
l'hypothèse d'une forme donnée avec tous ses repères nécessaires dans un décor réel ou imaginaire dont le choix importe peu,
l'entropie avec laquelle nous devons vivre, cette nécessité de la matière d'aller inéluctablement vers sa propre destruction pour redevenir d'ordonnée qu'elle était désordonnée comme à ses débuts,
la différence entre la vitesse du modèle et celle de son image reproduite avec un effet permutation,
la lune qui nous éclaire pour lire toutes nos biographies qui s'additionnent aux voyages des oiseaux migrateurs,
des activités parmi d'autres avec des coïncidences d'intentions,
nos vies que bien sûr nous voudrions toutes excellentes dans le jeu de leurs vivants commerces,
les fragiles corps de nos existences avec nos visages à toutes les époques,
l'éphémère, fragile comme une performance intemporelle pour accélérer la mise en place de tous les processus de créations dans l'espace et le temps,
bien évidemment ce qu'ici j'additionne supporte joyeusement la divagation et c'est mal connaître le sérieux que de ne pas s'y amuser. Lorsque je travaille je mets en action des méthodes et des processus que je prédéfinis comme des règles de jeux, ça m'amuse et me repose et me permet d'avancer. Je rends hommage à la notion de remplissage qui régit traditionnellement toute forme de composition y compris celle du vide et cette multiplication sans réponse définitive ajoute une dimension prequ'épique au registre de l'univers que j'occupe et traverse. Chacun d'un espace à l'autre tente d'affirmer son épopée, c'est le vertige du quotidien, mais aucune voix n'est obligée de crier pour se faire entendre et mieux circuler. Il s'agit seulement pour chacun de définir son territoire et son nom, quelque chose avec une manière tendre et vive pour transformer l'agitation de l'existence en morceaux de choix immenses lorsque cousus tous ensemble. Elargir la notion de beauté revient à étendre celle de durée. Toutes les scènes de nos existences, toutes les parties du spectacle, la belle collaboration tendre et unique de chaque instant à chaque instant, tous ces romans tissés mais aussi tous ces simulacres sur nos écrans télés, tout ça présent, visible chaque jour en simultané sur la grande scène de l'existence, nous l'entendons et le voyons avec les perceptions et sensations de chacun selon sa place et ses déplacements. Chacun peut y écrire son propre texte comme pour l'incruster parfaitement sur une bande magnétique et l'additionner à d'autres et ainsi de suite. Ce n'est pas une position de béate occurrence mais bien plutôt une addition de chants pleins de réalités. En fait non pas un changement de musique mais une expansion de toutes les musiques que nous jouons. C'est pourquoi utiliser des méthodes multiplicatrices de sens et de sensations pour dépasser les difficultés les limites et la volonté permet d'avancer au-delà des modèles d'activités déjà programmés. La jouissance de l'existence, l'affirmation créative, avec ses incertitudes et ses inquiétudes, l'action comme solutions de compositions, avec des juxtapositions, des successions, des superpositions, tout ça multiplie les potentialités de résultats dans une incomplétude permanente, à l'image de l'univers en perpétuelles transformations. L'énergie de l'univers démultiplie les solutions pour mieux percevoir et concevoir. Ces interprétations représentations divagations avec toutes leurs variations comme des espaces d'existences et de leurs additions de moments tracent l'espace du temps mis à disposition pour le remplir de la vie et de tous ses mouvements. La surface de l'oeuvre enregistre en silence son temps de création, simplement dans ma tête une éternelle respiration.
( FIN DE L'EPISODE )
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