PIERRE PILONCHERY

pilonchery.com



QUELQUES LIEUX FORMATS PAYSAGES ET PORTRAITS A LA FOIS

Notes de travail pour la série "Les Naturages" en général et l'exposition "We Take a Walk" en particulier


Pierre Pilonchéry

2010-2017



J'ai écrit ce texte en utilisant l’étymologie du verbe composer, c'est-à-dire que j'ai posé ensemble, par juxtapositions, épissages, et autres formes de déplacements, des notes de travail dispersées sur les années du chantier de ma série Les Naturages en général et de l'exposition We Take a Walk en particulier. J'ai obtenu 45 blocs de textes, comme les 45 films qui composent chacun des 10 films de la série. Ce texte se présente comme une nappe textuelle additionnant notes, réflexions, commentaires, explications, à l'image des nappes visuelles et sonores des installations de la série. Il peut être lu sous forme de conférence / performance superposé aux bandes-sons des films. J'invite simplement le lecteur à lire ces pages dans l'immensité passée présente et future.



1 - Les Naturages sont une série d'installations construites sur un fond de nature avec ses images ses mouvements et tous ses sons mélangés à ceux qui disent la présence humaine. Formats paysages et formats portraits à la fois ce sont des morceaux de nature et de vies humaines qui se questionnent et se complètent. 450 films coupés en 3840 séquences puis remontés sur 450 pistes divisées en 10 films de 45 pistes chacun sont projetés simultanément sur plusieurs dizaines de mètres ou bien sur écrans, complétés de cabanes, chansons, dessins, photographies, autres films, sons, notes, et autres choses encore. La particularité tient au montage des 450 films qui permet de les mettre en mouvements permanents sur les surfaces de projections comme une mosaïque mobile et dynamique qui additionne tous leurs sons. Chaque installation crée une action, sa description questionne plus son existence que sa forme.


2 - Les Naturages sont des formes de ramassages de moments de ma vie comme une forme de vérification sur l'état d'être en vie. Le rythme de mes pas sur le sol quand je marche, ma voix qui chantonne au-dessus de mes pas, le bruit de fond des voitures et des passants superposé aux chants des oiseaux ou bien à celui du vent, tout ça c'est comme une respiration, une forme de conscience d'être en vie. Depuis 40 ans j'associe des milliers et des milliers de morceaux pour construire mon travail comme l'univers associe des milliards et des milliards de particules pour construire ce qu'il est et devient et c'est une impression d'éternité dans ces jeux de relations entre moi et le vivant sous toutes ses formes. C'est là mon chantier pour comprendre les liens essentiels entre mes processus de création et ceux de la vie dans laquelle ils s'installent et c'est de ma vie dont je parle ici et de celle des 7 autres milliards d'êtres humains tout autour. Entre le ciel et moi circule le bruit de fond du monde comme un répertoire à disposition qui mérite toute mon attention, c'est une situation pour l'espèce humaine et sa jouissance de l'univers tout entier. C'est un peu comme lorsque j'écoute de l'eau couler, elle égrène le temps mais reste toujours là, dans un éternel présent peut-être.


3 - L'installation We Take a Walk présentée à l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or à Lyon est un hymne à la nature dans la vie humaine tout autant qu'à la vie humaine dans la nature. Elle fonctionne en multi-projections par juxtapositions et superpositions de morceaux de nature avec tous leurs sons et tous leurs mouvements. Les processus artistiques et naturels se rencontrent. Les films se promènent sur la surface du mur écran, les uns devant les autres, dans tous les sens. Le regard se promène de gauche à droite, de haut en bas, de derrière à devant. La bande-son donne à entendre le devant comme le derrière, l'arrière-plan sonore est formé par ce bruit de fond permanent que l'on entend lorsqu'on se promène. La promenade se joue à plusieurs échelle et plusieurs niveaux. C'est comme si je voyais le temps non pas sur une flèche horizontale mais comme un œil au sommet d'une verticale, tous les points de ce temps rassemblés. Lorsque j'écoute le chant du merle, des moineaux et des corbeaux j'écoute aussi le moteur des automobiles, du train et de l'avion. Une interprétation de la vie et de ses multiples considérations.


4 - J'aime tisser un lien étroit et porteur de sens entre l’œuvre et son lieu d'exposition. Lorsque je travaillais avec des catalogues et tracts publicitaires je montrais ce travail dans les allées d'un centre commercial, intervenant avec les divers personnels du centre durant le temps de préparation et d'exposition, puis dans un entrepôt industriel désaffecté, mais aussi dans un centre universitaire où je parlais du commerce des marchandises et de celui de la pensée. Et dans le même temps dans de multiples lieux du globe pour tisser ce lien inévitable entre leurs registres variées et ceux de ma propre existence. Je ramène donc les matériaux dont je me sers, que je récupère, dans les lieux d'où ils proviennent. Je travaille maintenant avec la nature, j'expose ce travail dans un lieu pour la nature, une orangerie dans un parc. L'observation de la nature comme un assemblage de circonstances entre le monde et moi inspire mes réflexions. J'y rencontre la nécessité de rassembler ce qui m'occupe alors, c'est comme si je construisais une forme de grand tableau de l'univers et de son silence au milieu du bruit.


5 - Le bruit de fond du monde fait se rencontrer les sons de la nature avec ceux produits par l'homme. Tous ces bruits qui surviennent, automobiles, avions, trains, machines, sont aussi dans la nature. La vie s'exprime sous des allures multiples et différentes mais c'est bien le même monde lorsqu'on le regarde à distance. C'est juste une question d'échelles et de points de vues. Tout ça m'a paru une évidence lorsque j'ai trouvé une photographie de la Terre vue des anneaux de la planète Saturne, elle y est seulement un petit point minuscule dans l'espace. On peut voit l'ensemble ou bien seulement des parties. Le détail et son ensemble en constantes interactions transforment nos rapports à la nature, toute action y est à la fois indépendante et liée aux autre. Les bruits de la nature et ceux de l'homme n'y sont pas en concurrence mais en situations de compléments. J'aime entendre le bruit des voitures qui se mêle à celui du chants des oiseaux. Les sons de l'homme et de la nature se rencontrent, se croisent et se superposent, comme sur une mosaïque en mouvements incessants. Et ça, ça me ravit!


6 - Dans L’œuvre de Zola l'écrivain Sandoz parle de « l'avenir des êtres se succédant toujours, achevant de créer le monde par le travail sans fin de la vie » (1). C'est l'image de ces générations humaines et de leurs traces additionnées que je dessinais dans Les Effaçages en 1976. C'est de ces suites de générations humaines qui s'accumulent au fil des siècles dont je parlais dans mon installation L'Obscène et la multiplication sans réponse au début des années 80. J'y vois une autre scène en action, celle de la vie que l'homme crée avec celle de la nature. Ce sont Les Naturages. Kurt Schwitters disait : « L'esprit humain peut rancir s'il ne reçoit pas constamment des impressions neuves par le biais de l'étude de la nature » (2). En Norvège Schwitters remplace les déchets de la vie urbaine de ses tableaux Merz par des déchets naturels, organiques. Il parle de ses tableaux naturalistes. Je trouve là une position déjà post-moderne dans ces traversées de registres et de styles différents, il n'y a pas séparation entre le monde des déchets urbains et celui des paysages offert par la nature. La nature est au centre de tout ce qui fait la vie. Pas de nourriture sans la nature, pas de matériaux et de produits fabriqués sans la nature. La nature est visitée par l'homme. We Take a Walk est une promenade qui nous fait traverser la vie sous toutes ses formes, celles de la nature et celles de l'homme. C'est pour cela que l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or me semble être, à Lyon, l'espace le plus adapté pour faire exister cette installation.


7 - Les Naturages dessinent des régions d'existences. Ils disent la présence humaine dans la nature mais ne sont pas un documentaire sur la nature. Couleurs et contrastes sont retravaillés par l'ordinateur, un peu comme Monet qui retravaillait dans son atelier ses cathédrales de Rouen. Monet a aimé peindre la gare Saint-Lazare et le pont, très moderne à l'époque, de la voie de chemin de fer. La technologie humaine s'ajoute à la nature. Ce sont des impressions de merveilleux paysages, un rassemblement continu d'abondance de choses communes pourtant si nombreuses mais si parfaites pour moi. Je suis presque surexcité lorsque je capture un morceau de nature entouré de tous ses sons, naturels et humains. J'y trouve du merveilleux, rythmant mon regard et mes oreilles à tous ces morceaux de nature et de vies humaines qui se croisent.


8 - Tout est là en même temps, comme le temps d'une eau qui coule, à la fois le même et pas le même. Le temps reste le premier sujet de l'installation We Take a Walk. Cette question du temps se joue en premier lieu dans les processus même de réalisation de l'installation. Le temps, réel, de filmage au cours des saisons dans mes voyages et mes promenades, et le temps, long, plusieurs années, de fabrication des films. Je commence par travailler le son puis le son me guide pour les déplacements et les dimensions des films. J'opère à partir de là des jeux de variations qui s'additionnent. J'obtiens une suite visuelle et sonore de moments additionnés et tissés comme un souffle d'énergie dans lequel, comme l'écrivait Jules Verne, « il ne s'agit pas de savoir qui l'emportera, de l'homme ou de la nature » (3), la vie de l'homme et celle de la nature sont indissociables. L'installation peut aussi prendre le temps de voyager. Plusieurs lieux, plusieurs mises en scène, des rencontres de personnes et de paysages différents, des écoutes de sons différents (4). Un work in progress qui transforme l’œuvre devenue comme une matière organique à chacune de ses présentations.


9 - A l'Orangerie We Take a Walk se présente sous la forme d'une vaste installation multimédia composée en 3 parties. Une barque-cabane échouée devant l'entrée du bâtiment. Une cabane de branchages accrochés sur une structure de bois peinte en rouge dans la première salle. A l'intérieur, posés sur 3 socles rouges, des casques d'écoute à disposition des visiteurs. On y entend des formes de mélopées que je chantonne au cours de mes marches au-dessus du rythme de mes pas et de tous les bruits ambiants. Enfin, dans la grande salle longitudinale, 450 films en mouvements permanents projetés simultanément sur le long mur de 33 m par 10 vidéo-projecteurs intégrés dans 10 socles rouges alignés comme les 10 grandes baies vitrées de la salle. Tous les sons, naturels et humains, se superposent. Sur le fond rouge des 450 films qui se meuvent en même temps je laisse la nature tisser son propre mouvement. Sur le fond rouge qui couvre le sol dans une autre mise en scène je laisse le visiteur construire son propre rythme de visite. Le rouge affirme la présence de l'homme. Il accentue la verticalité des 13 socles qui contiennent les machines humaines et la structure de la cabane couverte de branchages. C'est un travail sur une surface mais une surface en profondeur. Profondeur des films qui vont et viennent de devant à derrière et de derrière à devant sur la surface du fond rouge qui les porte. Profondeur de l'installation dans laquelle la promenade est rythmée par les alignements des socles rouges. Profondeur aussi des couches sonores de la bande-son des films et de celles dans les casques d'écoutes de la cabane.


10 - We Take a Walk questionne la dimension sonore du réel. Deux sources sonores dans l'installation : la bande-son des films de la série Les Naturages, une nappe sonore sans début ni fin, dense, enveloppante, et le son des Marchages, par une écoute individuelle dans des casques à l'intérieur de La Cabane du promeneur. Le spectateur est immergé dans cette masse visuelle et sonore, mouvante et proliférante. Le sentiment de la vie s'accroche à tous les sens. Ce que l'on entend, c'est le bruit de fond du monde qui fait se rencontrer les sons de la nature avec ceux produits par l'homme. Derrière les chants d'oiseaux, les bourdonnements d'insectes, le souffle du vent, l'orage, le ruisseau, on entend le trafic des automobiles, des avions, des trains, des bruits de machines, des passants. J'aime écouter le bruit du moteur d'une automobile lorsque je me promène dans une forêt. Ce bruit de fond dans la nature me dit la présence humaine. Et j'aime entendre le chant des oiseaux au milieu des bruits de la ville. On ne voit pas cette présence humaine sur les films, on entend seulement les traces de son passage. Seules la cabane et les socles rouges avec leurs technologies de diffusions la donnent à voir. La cabane est une construction humaine avec des éléments de la nature. Les socles rouges pour diffuser les images et les sons de la nature sont des constructions humaines. Les images de la nature avec ses mouvements et tous ses sons sont enregistrés par la technologie humaine. We take a Walk met en relation l'art, la nature et l'homme, reliés par l'idée de promenades, comme une écoute de tous les sons rencontrés qui se superposent et se questionnent. La vie.


11 - Dans mes séries précédentes j'avais des grilles statiques. Avec Les Visionnages (5) puis Les Naturages j'ai des grilles mouvantes. Les déplacements des films deviennent des chorégraphies. Je vois mes Naturages comme de possibles partitions pour un chorégraphe. Il y trouvera des séries de déplacements et des données sur leurs vitesses de mouvements. Chacun des 450 films peut devenir une partition pour 450 solos combinables entre eux. Les vidéo-projections des 450 films constituent le décor et la musique de la danse. Le courant du réel remplit l'espace, il forme une composition plastique visuelle et sonore en même temps. Le mouvement est permanent (6).


12 - 450 films en simultané, sur chacun le cadrage est serré, sans horizon. Il place notre regard sur des détails de la nature. A leurs projections me revient à l'esprit le moment de filmage de chacun. Ils ne sont pas des confidences mais juste un tissu d'impressions avec tous leurs détails et leur ensemble livrés à l'imagination du public. Une addition de moments pour former ensemble un autre moment. Peut-être même suggérer une forme d'harmonie des différences au milieu du bruit.


13 - Et c'est de ma vie dont je parle aussi, pas seulement de ma façon de travailler. Lorsque je vais à la fenêtre pour enregistrer la mélodie du merle tôt le matin je vois de grandes beautés, je ne m'amuse pas à vouloir expliquer, je fais quelque chose. Lorsque je marche j'enregistre sur mon dictaphone des airs et des rythmes que je superpose en rentrant le soir, ce sont mes conférences de maintenant, à la frontière de quelque chose que je ne sais pas trop définir. J'enregistre et je filme. Lorsque par exemple je regarde l'eau miroitante de l'étang j'essaie d'actualiser toutes mes potentialités en la regardant. J'ai lu que Mars était couverte d'eau sur un petit temps de sa vie dans notre univers, 300/400 millions d'années peut-être, moi j'ai réalisé plus de 60 années de ma vie dans mon cosmos intérieur. Je vois donc ma situation humaine quand je suis avec la nature, c'est de ma relation avec moi-même dont je m'occupe. J'entends mon existence lorsque j'entends les pas de mes marches et j'entends celles des sept autres milliards de personnes tout autour. J'y vois des espaces de possibles bien au-delà des notions de réussites et d'échecs. Je mets en chantiers des processus de créations bien au-delà de toute idée de composition. Ce sont des sortes d'« hétérotopies » (7) dans lesquelles chacun doit pouvoir créer une forme d'occupation du lieu qu'il traverse pour lui donner sa propre coloration. Toutes les couleurs du monde peuvent se juxtaposer. La multiplicité des regards et des écoutes peuvent alors librement s'y jouer pour s'y rencontrer et se questionner.


14 - Les Naturages sont en premier lieu une enthousiaste et patiente observation de la nature lorsque j'en filme un moment que je cadre et mets en mouvements. Je l'additionne ensuite à d'autres pour tisser un infini paysage visuel et sonore en mouvement permanent, comme une vitale respiration pour exister. Tout ça, c'est juste de l'action, l'action de mon esprit. J'obtiens ainsi des centaines de films. Dans les casques d'écoute à l'intérieur de La Cabane du Promeneur on peut entendre de douces et discrètes mélopées au-dessus du bruit de mes pas et des sons ambiants, naturels et humains, que je chantonne au cours de mes promenades. Pour moi c'est mieux que l'imagination l'enchantement facile lorsque je découvre le mouvement incessant des plantes à mes pieds, j'en tire de merveilleuses choses, de dimensions illimitées pour mes pensées. Marcher excite la pensée. La pensée est comme une eau qui coule, comme le bruit de la circulation et le chant des oiseaux, quelque chose qui nous inonde, un déroulement de relations des choses et des gens.


15 - J'offre mes ouvrages comme signes d'une vie qui se construit au milieu des sept autres milliards de vie qui se construisent aussi tout autour. Tous les éléments qui complètent les films, objets, textes, dessins, photographies, sons, autres films, notes, et autres choses encore, suggèrent des variantes dans les significations proposées ou bien offre des aides aux divers regards que peut construire le spectateur. Mais ce sont aussi des signes et des indices qui peuvent créer des incertitudes et des possibilité de distorsions de sens et donc de possibles nouvelles significations. Cette notion d'incertitude construit mon travail depuis mes premières expérimentations lorsque je pensais Mon principe d'incertitude au tout début des années 80. Le monde est une addition d'expériences et de constructions individuelles pour créer un espace d'échanges et de partages des diversités bien au-delà des comportements de masse de la standardisation médiatique et culturelle. Ces notes de travail, dans ce sens, sont justes des réflexions, des commentaires et des idées, des trucs pour moi que je veux partager dans ces moments que j'appelle Les Naturages.


16 - Je classe mes travaux par séries. Je crée ainsi des espaces d'où je peux voir à la fois tout ce que j'ai fait, tout ce que je peux faire et tout ce que j'ignore encore pouvoir faire. Les Effaçages, Les Espaçages, Les Canevassages, Les Remplissages, les Cousages étaient classés par la méthode ou le processus. Les Publicitages, Les Visionnages, Les Webcamerages et Les Naturages (8) sont un classement par le sujet. Les projets de mes séries s'entrecroisent et se rencontrent pour se questionner et se compléter, des additions de tout ça, claires et confuses, se promènent dans mon esprit comme on se promène dans la vie. C'est comme une promenade dans la forêt qui réserve des surprises lorsque par exemple surgit au-dessus du chant des oiseaux le bruit d'un train qui passe au loin. Avec mes Naturages je veux signifier le monde comme il est, en mouvement, dans lequel toutes les notes sont jouées simultanément. J'ai donc choisi mon motif, à la fois visuel et sonore, comme un état des lieux d'une société humaine et naturelle pour en dégager sa dimension poétique et sémantique dans le même temps. J'essaie de dessiner des possibilités à manifester le monde et ses contextes.


17 - Lorsque je me promène je peux naturellement et tranquillement m'intéresser à mes propres affaires. J'imagine alors les tracés des déplacements des 7 autres milliards de personne qui occupent aussi le point de leurs chemins en ce moment de ma marche. Les phénomènes naturels croisent les phénomènes humains. Dans la profusion des images et des sons le regard s'intéresse aux détails pour rassembler les différences et faire circuler la pensée, mes pas rencontrent le bruit de fond du monde sur lequel je chantonne et respire, je joue du général et du particulier pour les faire se rencontrer et même se sublimer. Pas d'oppositions mais rencontres de sens et de questions, la vie et ses expérimentations.


18 - Les 450 films de l'installation We Take a Walk se déplacent et se promènent sur les 33 m du mur de l'Orangerie comme de longues coulées de temps et d'espace qui se promènent et s'additionnent devant nos oreilles et nos yeux. 3 formes de mouvements dans les films : celui de la caméra pendant l'enregistrement, cyclique et circulaire, celui des films en plan horizontal et celui des films dans un champ de profondeur, de devant à derrière et vice-versa. S'y ajoute le mouvement des visiteurs qui se promènent dans l'installation. Tout bouge et se déplace. C'est la vie et tous ses mouvements permanents, comme dans l'univers dont on parle beaucoup aujourd'hui avec la découverte des ondes gravitationnelles (9). Les 10 projections simultanées avec chacune leurs 45 films en mouvements permanents sont comme des galaxies qui se cherchent et se rencontrent. L'expérience humaine d'un point de vue planétaire peut construire des ponts pour l'humanité, croiser des formes de simultanéités spatiales où le voir et l'écouter se mêlent. Ce que l'on voit et ce que l'on entend peut être vu et entendu par tous, c'est un langage universel. Mon imagination recherche le présent du monde. C'est une vision mosaïquée du monde.


19 - Les Naturages nous parlent de la nature et de l'homme. Entendre l'être humain dans ses traces sonores lorsque je marche dans la forêt devient un avertissement constant et persistant à considérer la nature et les hommes comme un acte d'association inépuisable lorsqu'ils sont en situations de coexistences. Chaque génération interprète sa propre cadence pour accomplir le dialogue entre les hommes de son temps et ses conditions d'existences, comme un état de confiance à pouvoir et savoir le manifester. Lorsque nous habitons la nature nous habitons le temps improbable des événements et de nos comportements pour y construire nos créations dans l'ordre de l'univers. C'est l'œuvre comme un flux perpétuel ouvert et mobile, un morceau du paysage de l'univers.


20 - Les Naturages sont un canevassage en mouvements de morceaux de nature mêlant tous ses sons à ceux produits par l'homme. Yves Klein n'aimait pas voir un oiseau salir son beau tableau bleu de l'infini du ciel, moi j'aime voir le mouvement des nuages qui apportent l'ombre et le changement de lumière. C'est la même attention que je porte aux sons et le même processus d'additions d'instants enregistrés. Simplement je visite autrement mon sujet. 3 dimensions se croisent, l'humain, la nature et l'art. Elles ne sont pas en concurrence mais se complètent dans leurs aspects et dans leurs sens. C'est une énergie qui traverse le temps pour signer l'expérience de mes possibilités. J'ai choisi mon sujet, la vie, commune à tous.


21 - C'est le principe même de toute vie qui se déploie dans l'installation We Take A Walk, celle de la nature et celle de l'homme, indissociables. Tout ce que l'on entend et tout ce que l'on voit ne relèvent pas de mondes séparés. Deux types de sons s'entendent presque partout dans nos promenades, ceux des oiseaux et ceux du trafic des automobiles, je les perçois comme deux énergies qui se complètent, jamais en concurrence. Je pense au champ de coquelicots de Monet, ce morceau de nature traversé par les deux personnages du haut du tableau (10), Monet dont le jardin à Giverny était aussi traversé par une voie de chemin de fer. Je pense encore à Thoreau qui disait aimer le bruit du train qui lui rappelait l'humanité dans sa retraite de Walden. C'est aussi ce sentiment de nature si bien exprimé par Schwitters dans ses paysages de montagnes peints en Norvège, lui qui cueillait des objets traces humaines pour ses collages Merz. Je pense encore à John Cage avec Branches ou son Roaratorio (11). Une coulée de temps et de vie. C'est l'art comme une promenade qui nous fait traverser la vie sous toutes ses formes, c'est « le langage que les choses et les événements parlent, sans métaphore, seul langage vaste et universel » écrit Thoreau dans son chapitre « Bruits » de « Walden ou la vie dans les bois » (12). Ce que l'on voit et ce que l'on entend est une suite de moments additionnés et tissés, comme une surface all-over visuelle et sonore. L'homme ajoute à la nature, il crée avec elle des formes de coexistences (13). La visite-promenade de l'installation offre une expérience à vivre, celle du temps qui additionne.


22 - Aux 3840 séquences qui composent les 450 pistes divisées en 10 films de 45 pistes chacun s'ajoutent aussi des films de torrents bouillonnants et de ciels avec leurs nuages en mouvements. L'eau crée le mouvement de la vie. Elle est souvent présente dans mon travail. Dans Les Effaçages en 1976 j'utilise l'eau comme matériau et outil de travail en lavant à grande eau chaque couche de dessins pour la superposer aux précédentes. En 2006 je diffuse le son d'une eau qui coule dans l'exposition La Grande Surface et tous ses Lieux en y ajoutant des cailloux avec des plantes et du sable. En 2007 je le superpose à des bruits humains dans l'exposition Quelques Lieux et leurs Moments. En 2015 je construis l'installation Paysage(s) autour de la diffusion de 2 films d'un torrent déchaîné très bruyant derrière des bacs de fleurs et du sable étalé sur un sol rouge. L'installation parle du temps et de l'espace de manière absolue, c'est un temps cyclique dans un temps infini. Elle parle de l'homme et de sa place dans le système cosmique universel lorsqu'il utilise et canalise l'énergie de la nature pour construire les moyens de son existence et de son cadre de vie. La Barque-Cabane échouée à l'entrée de l'Orangerie peut être vue sous ce regard avec sa lumière rouge comme une image de notre lumière intérieure, un peu comme la petite lumière rouge qui dit la présence de Dieu dans les églises, elle affirme la présence humaine, celle de chacun dans le flux de la vie. C'est pourquoi la barque peut ne pas flotter sur l'eau du lac mais être échouée à l'entrée de l'exposition, marquant cette nécessité vitale de l'eau pour la production de la vie et donc la pensée (14). Dans son livre « Ecrire sur l'eau » consacré à l'étude des œuvres visuelles de John Cage, Ulricke Kasper dit : « L'eau est le lieu où l'individuel se confond avec l'universel, ceci nous guide vers l'unité des contraires dans une présence universelle » (15).


23 - Avec Les Naturages je tisse une nappe visuelle et sonore en prenant des morceaux de réel, je les interprète comme une partition mise à ma disposition. La nature n'est pas isolée de l'activité humaine, l'une et l'autre écrivent ensemble la même symphonie, comme un tissage de morceaux de nature en mouvements permanents avec tous ses sons auxquels s'ajoutent ceux produits par l'homme et ses activités. Avec Les Publicitages je m'occupais d'images publicitaires et de leurs questions d'échanges et de commerces à l'image de celles de la pensée, avec Les Naturages me voici maintenant en train de marcher dans la nature et d'écouter. La nature était déjà souvent présente dans mon travail : le son d'une eau qui coule, un bassin d'eau avec des poissons rouges, des plantes, du sable, des cailloux, des arbres. Tout endroit reliant l'homme et la nature me semble être le meilleur lieu pour exposer les Naturages. L'Orangerie du parc de la Tête d'Or répond à cette proposition.


24 - Les 450 films de We Take a Walk s'entremêlent simultanément comme un tressage d'images en mouvements et de tous leurs sons additionnés. Les projections se superposent sur leurs bords et tracent sur le fond lumineux rouge des verticales qui structurent la longue composition horizontale. Le temps et l'espace, la nature et l'homme, tout ça se croisent pour créer une longue surface sans début ni fin. Dans les casques d'écoute individuelle c'est de la présence physique du promeneur dont il est question par l'écoute de sa voix qui chantonne au-dessus du rythme de ses pas et de tous les sons ambiants. Les corps humains qu'on ne voit pas sont présents par leurs traces sonores. Ces traces disent la notion de passage. Elles racontent des histoires humaines. Notre expérience construit une composition du monde, ses dimensions sont celles du temps.


25 - Monet travaille 10 années sur les Nymphéas de l'Orangerie, il met en place un espace sans début ni fin que l’œil du visiteur met en mouvement. L'installation We Take a Walk s'articule autour de 10 vidéo-projections comme les 10 promenades de Rousseau dans ses Rêveries d'un promeneur solitaire (16) mais nulle solitude ici, toute l'humanité y est convoquée. Les films des Naturages sont une tissage en mouvements permanents de morceaux de nature et de traces humaines. J'aime la perception du monde de Léonard de Vinci dans laquelle chaque élément se tisse avec les autres (17). Les bruits des automobiles et leur vacarme au-dessus du chant des oiseaux, la vie, celle de l'homme et celle de la nature, créent ensemble l'existence et ses mouvements. Une énergie vitale, au « rythme de l'infini » (18).


26 - La cabane du promeneur dans la première salle de l'installation We Take a Walk est une cocréation de l'homme et de la nature. Sa solide structure de bois peinte en rouge est couverte de branchages fragiles et périssables. Elle devient une sculpture vivante. L'interaction entre le visiteur, ce qui est vu, ce qui est entendu, et le lieu, augmente le contenu humain de la cabane. Je fabrique des cabanes et je chantonne parce que fabriquer des cabanes et chantonner sont des gestes qui renvoient à l'enfance dans toute les cultures. La cabane est le premier lien humain de l'enfant avec la nature, il utilise la nature, la nature lui permet quelque chose. La cabane devient un pont pour tisser des liens d'humanité (19). Il en résulte des suites de sensations vives et variées lorsque l’œuvre établit son sujet de toutes les choses de la Terre et s'en détache en même temps. Ces notes de travail tentent d'en retracer l'expérience.


27 - We Take a Walk est un travail au fil du temps non pas comme une horloge qui aussitôt inscrit l'oublie mais bien plutôt comme un tisserand qui additionne en un seul autre moment une somme de moments. Ce moment peut à son tour s'additionner à d'autres moments. Un peu le principe des galaxies, des amas de galaxies et des super-amas de galaxies. C'est juste une question d'échelles. C'est le particulier qui crée l'univers. C'est comme cela que fonctionne mon travail. C'est un peu comme une plate-forme d'interfaces, des permutations et superpositions de morceaux de temps, d'immenses espaces sans directions, des foisonnements d'images et de sons, des rassemblements de collages, à prendre dans tous les sens. Certainement l'éloge d'une polyphonie du monde.


28 - La diversité de la manière d'appréhender We Take a Walk tient à la diversité de sa nature, entre exposition, spectacle et concert. J'aime que la nature même de mes œuvres ne soit pas clairement définie, la porosité des genres et des registres peut créer des incertitudes et des glissements de sens pour ouvrir à des ailleurs peut-être. Je peux alors réaliser quelque chose qui parle de ma vénération pour la beauté de la vie, mes processus de création me permettent d'y prêter toute mon attention. Et dans ce sens je n'oppose pas qualité et quantité. La qualité est produite par la quantité, on peut l'expérimenter dans cet environnement des 450 films en mouvement avec leurs superpositions sonores. Je parle ici de processus et d'accumulations. J'ai donc évacué l'idée de composition c'est-à-dire l'idée de centre, non pas parce que j'ai écouté et lu John Cage mais par nécessité artistique et vitale et donc inévitable pour avancer dans ce que je faisais et fais aujourd'hui. J'additionne des morceaux pour avancer. J'obtiens un art du temps. Le temps est à la fois mon premier sujet et mon premier matériaux. Je l'utilise en mettant en action des processus de création mettant en jeu du temps pour leurs réalisations. C'est dans ce temps là que je dis avoir remplacé l'idée de composition par celle d'action. J'additionne alors des suites de signes achevés et inachevés que je veux offre à l'espèce humaine comme un battement de cœur permanent pour passer la frontière du quotidien, ce sont des regards pour satisfaire ma confiance en la réalité et produire des idées, quelque chose comme l'appel de la connaissance maintes et maintes fois à chaque moment de la journée. Ce ne sont pas des objets de curiosité présentés pour être admirés mais des moments innombrables d'amoureuse attention pour entrer dans la représentation de ces fragments recomposés (20) . La vision du monde s'offre et se donne à chaque regard amoureux, les circonstances prennent sens lorsque l'humain chemine avec toute l'assurance de ses doutes et de ses convictions.


29 - Chacun des 10 vidéo-projecteurs met en mouvements 45 films sur le long mur de l'Orangerie. J'obtiens une surface en profondeur par les jeux de transparences et de superpositions. Cette densité visuelle est augmentée d'une densité sonore. Nous y entendons et voyons notre présent, cela signifie que nous y voyons aussi notre passé mais encore notre future. C'est un message de nature et de vie (21). Au-delà de l'évidence d'un tout-ensemble nous y trouvons une forme de proximité pour l'espèce humaine à savoir se dégager de son actualité pour ne jamais se perdre dans son chemin vers la connaissance (22). Voir l'universalité à partir du singulier me permet d’œuvrer c'est-à-dire faire mes ouvrages. J'appelle ouvrages mes œuvres de tous mes âges. Ils décident de mes différentes possibilités et de leurs significations dans mon existence et développent ma vision de l’art en société (23). Peut-être le fameux « spectacle de soi » de Mallarmé (24) offert alors à toutes les cultures où que ce soit dans le monde.


30 - Lorsque je suis dans la nature je suis dans mon atelier parce que j'y trouve mon sujet. Je m'approche de mon sujet, je le filme de près sans horizon vers un autre espace. Les détails remplissent l'écran de la caméra. Des instants uniques à divers moments de la journée avec leurs lumières et leurs variations, les changements de saisons et leurs nouvelles sensations. Le montage crée un autre espace en lui donnant une autre échelle. Les sons des 3840 séquences interprètent alors comme une symphonie du monde et de son invincibilité lorsque la nature l'homme et l'art se rencontrent. Si toute interprétation et son analyse définit un état antérieur de savoirs et de culture à partir desquels l'esprit fabrique des rapports d'idées, l'expérience artistique implique inévitablement pour le visiteur de l'installation We take a Walk une connaissance d'abord intérieure, comme une possibilité de se libérer des discours et de toutes leurs fonctions. C'est alors un moment de concert qui s'offre au monde, une augmentation de joie, une immersion dans le paysage en cherchant peut-être l'harmonie au-dessus de tout.


31 - Les paysages que nous traversons dessinent les portraits que nous sommes. Marcher c'est avoir les pieds sur terre sans y prendre racine, c'est traverser les paysages rencontrés pour mieux se situer. Toute promenade comme toute rencontre d’œuvre d'art ne peut être que reconquête de soi. L'homme qui marche de Giacometti tente de décoller ses pieds du socle qui l'attache au sol, c'est l'éloge de la verticalité, celle de l'homme debout pour avancer dans l'horizontalité du paysage traversé. Mais ce qui importe avec plus d'ardeur ne demande pas plus de connaissances que d'indifférence pour trouver l'énergie ouverte à l'imagination de la vie entière considérée comme une promenade de chaque instant. Dans Les Marchages, diffusés dans des casques d'écoute individuels à disposition du public, je chantonne au rythme de mes pas, ce qui augmente encore en moi l'attention au sentiment de l'existence. Dans les pas de ma marche j'entends ma propre existence pour tisser ma relation au monde parce que lorsque je marche arrive naturellement ce sentiment de l'existence qui s'empare de tous les sens et de la conscience. Un prodigieux moment à chaque pas. L'immédiateté des découvertes du paysage s'additionne à la méditation plus ou moins confuse de la marche. Si je chantonne en superposant ma voix au rythme de mes pas et de tous les bruits ambiants, ceux de la nature et ceux produits par l'homme, c'est peut-être alors pour révéler la vérité de ma légèreté en passant juste à ce moment là dans l'histoire de l'humanité


32 - Patrimoine culturel, lieu ouvert et de passage, lieu d'espace et de nature, l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or reçoit sous la forme d'une œuvre d'art des matériaux collectés dans la parc. L'installation We take a Walk tisse un lien étroit entre ses matériaux, son sujet et son lieu d'exposition. La configuration spatiale longitudinale de l'Orangerie permet à l'installation de se développer comme une promenade, depuis La Barque-cabane échouée à l'extérieur en passant par la Cabane du Promeneur dans la première salle jusqu'aux 450 films sur le long mur-écran de la salle principale. De par sa localisation l'Orangerie permet au public du Parc de prolonger sa promenade dans la nature par une promenade dans une œuvre d'art. L'Orangerie du Parc de la Tête d'Or fait aussi écho à l'Orangerie des Tuileries, connotant l'installation We Take a Walk comme un hommage aux grandes compositions de Monet. Cette idée sous-tend la proposition de La Barque-Cabane rejouant l'idée de son fameux bateau-atelier. L'expérience visuelle et sonore de la traversée de l'installation plonge le visiteur dans l'atmosphère illimitée de la nature, de ses instants fugitifs et de ses impressions. La mémoire y invente le temps comme une respiration, jusqu'à même l'étourdissement.


33 - Dans la grande salle de l'Orangerie les 450 films projetées frappent frontalement le visiteur, quelque chose entre les Nymphéas de Monet à l'Orangerie des Tuileries, avec leur scénographie reprenant le symbole de l'infini, et les grands drippings de Pollock, que j'avais découvert en 1982 sur les cimaises du Centre Pompidou (25). Je veux affirmer le monde comme un contexte qui nous permet de manifester notre besoin vital de recoller les morceaux. We Take a Walk additionne des suites d'instants pour donner à voir et à entendre un flux continu de temps, comme le son d'une eau qui n'en finit pas de couler. Il s'agit alors d'exister dans la flexibilité mouvante de ce qui arrive pour y prendre sa place, et si l'on est consciencieusement attentif à ce qui se passe, l'interpénétration du visuel et du sonore fait de notre expérience artistique une expérience de vie dans laquelle temps et espace infiniment liés nous emmènent dans une immédiate présence, la nôtre dans ce déroulement de l'infinitude que nous habitons. Ce n'est pas un combat mais un partage d'espace et de temps, pour chacun son moment. L'expérience artistique et l'expérience humaine liées l'une à l'autre par celle de la nature produisent une pure sensation de temps infini, un entrelacement d'espace et de temps qui s'étend comme une immédiate présence. S'y déplacer comme une note pour joindre une autre note et plein d'autres sur la partition du paysage c'est habiter sur la portée de ses propres affaires en ouvrant la partition du monde et de toutes ses variations.


34 - J'ai beaucoup appris de la littérature et de la musique. Burroughs (26) dès 1976 puis Cage en 1979 chez lesquels je trouve des formes de techniques compositionnelles introduisant la notion de processus. Les 2 rétrospectives Pollock et Klein au Centre Pompidou en 1982 et 1983 confortent mes découvertes sur les questions d'espaces lorsque je remplaçais la notion de composition par celle d'action. Burroughs, Mallarmé, Cage et Joyce ont constitué le socle sur lequel je justifiais mes recherches. Puis je découvre Schwitters et son ouverture sur l'art et la vie déjà rencontrée avec Cage. D'autres noms se sont ajoutés, Satie, Thoreau, Verne, Rousseau. Tout ça était assez pour me nourrir longtemps. Aujourd'hui les nouvelles technologies transforment mon travail. Elles me permettent de développer ma vision mosaïquée du monde pour croiser les choses du monde. Elles me permettent de tisser des formes d'enchevêtrements avec différentes combinaisons d'éléments, comme une espèce de jouissance pour poursuivre le voyage. Mes Naturages font se rencontrer l'homme et la nature, la rencontre est visuelle et sonore.


35 - Paysages et portraits à la fois, l'installation We take a Walk mêle étroitement l'art, la nature et l'humain. Elle interroge tout autant le lien tissé entre l'homme et la nature, et notre actualité écologique, que celui tissé entre l'art et la nature, un grand pan de l'histoire du paysage dans l'art, jusqu’à l'art moderne et l'art contemporain qui vont revisiter ce genre et le transformer. We Take a Walk est une installation qui questionne les relations que nous entretenons avec l'art, la vie, la nature, notre environnement, l'humain, la pensée, la marche, la performance, le son, le visuel, la musique, le déterminé, l'indéterminé, le vivre ensemble, l'univers. Mon travail voudrait révéler le monde et la vie, tous ces lieux multiples et variés que nous rencontrons et traversons. « Mettre de préférence en relations toutes les choses du monde » comme l'écrivait Schwitters en 1923 dans le numéro 6 de sa revue Merz (27).


36 - Une des particularité de mon travail est de rapporter dans leurs lieux d'origine les matériaux que je récupère, portant ainsi un regard analytique et critique sur l’œuvre et son contexte. Depuis quelques années je travaille avec la nature et les traces que l'homme y fait entendre à partir de matériaux visuels et sonores dont beaucoup sont prélevés dans le Parc de la Tête d'Or à Lyon, il m'a alors paru évident d'exposer ce travail dans ce lieu de nature au milieu de la ville, l'Orangerie du Parc. We Take a Walk veut offrir à un large public une promenade artistique mêlée à sa promenade dans la nature. L'objectif est de créer une osmose entre l’œuvre, son lieu d'installation et le public. Elle est une œuvre publique dans un espace public qui s'offre généreusement comme une expérience à vivre. Poursuivre sa promenade dans les allées du Parc par une déambulation dans les 2 salles de l'Orangerie et s'interroger sur la présence de cette barque-cabane échouée à l'entrée de l'Orangerie offrent la dimension d'un tissage mêlant la nature, la marche, l'écoute, l'humain, l'art et la prise de conscience de soi par l'expérience vécue. Ce sont des espaces de rencontres. La mise en place de l'installation fait appel aux jardiniers du Parc pour la création d'une cabane en branchages collectés dans le Parc lors de son entretien, des étudiants en menuiserie participent à la construction de sa structure et transforment aussi une barque en clin d’œil au bateau-atelier de Monet. C'est une œuvre ouverte, à plusieurs participants, à plusieurs publics, à plusieurs lectures.


37 - Ce que l'on voit, c'est un mur de nature produit par des centaines de films en multi-projections sur un fond lumineux rouge. Des centaines de séquences montrant des morceaux de nature comme des agrandissements de fragments de paysages s'emboîtent sur les films qui se promènent d'avant en arrière, de droite à gauche et vice-versa. Toute mosaïque, aussi variée soit-elle dans tous ses composants, en revient toujours à se lire comme une surface sur laquelle tout se tient. C'est le rouge sur lequel se meuvent en même temps les centaines de films qui dit ce lien. Les 13 socles supports des lecteurs vidéos et sonores sont rouges. La structure de la cabane de branchages est rouge. La lumière dans la barque-cabane est rouge. Le rouge, c'est l'envers de la nature selon la loi de complémentarité des couleurs, il rend visible l'action, la force et l'énergie de l'homme. C'est donc la nature que l'on voit mais la nature visitée par l'homme qui lui apporte une autre dimension.


38 - Je regarde le temps de toutes ces choses qui paraissent. Chaque vidéoprojecteur diffuse 45 films superposés qui se promènent chacun librement sur la surface des projections. Un très léger effet de transparence laisse deviner que d'autres couches nombreuses sont cachées derrière pouvant se dévoiler au hasard des déplacements des autres couches. Chaque film par ses mouvements cache ou dévoile les autres. Chaque film à son tour est caché ou dévoilé par les autres. Et ainsi de suite sur une durée de 15 mn mise en boucle, les positions et dimensions des images de la fin se retrouvant être celles du début, supprimant ainsi tout effet de rupture pour produire une infinie surface mouvante sans début ni fin dans le temps. Il est question de la mémoire du temps qui reste présent (28), peut-être même quelque chose comme l'infini.


39 - Mon travail additionne. Il développe une pratique artistique orientée sur la vie tout entière. Il additionne parce que le monde est fait comme ça : le monde additionne. Mon travail additionne des morceaux de temps, d'espaces, d'images, de sons. Mes matériaux proviennent de la vie quotidienne, catalogues et tracts publicitaires dans la série Les Publicitages, images et sons des télévisions dans la série Les Visionnages, ma propre voix et ma vie d'artiste dans Les Webcamérages et, depuis quelques années, images et sons de la nature mêlés à la présence humaine dans la série Les Naturages. J'y mets en place des canevas d'organisations spatiales et temporelles, des agrandissements de fragments de paysages en même temps microcosme et macrocosme. C'est la nature comme un organisme. C'est la vie et son mouvement rendue visible par le moyen de l'art. Des partitions de possibilités.


40 - Comment je travaille ? Pour travailler je pose ensemble et pour poser ensemble j'utilise une méthode. Depuis Les Effaçages en 1976 l'important n'est pas tant ce que je fais que ce que j'en fais. Je fais quelque chose pour en faire quelque choses. C'est dans ce sens que je compose au sens premier de poser ensemble pour chacune des 2 étapes du processus : la réalisation du matériau de travail en studio puis sa mise en scène dans l'exposition. Les 6 grands dessins des Effaçages sont accrochés sur 2 murs couverts de leurs photocopies agrandies. Au début des années 80 j'expérimente des cabanes avec mes panneaux des Canevassages. Ce sont des espaces offerts aux déplacements des spectateurs visiteurs. Je poursuis dans ce sens aujourd'hui. Mes Naturages offrent des promenades au visiteur. Tous ces regards particuliers sont alors posés ensemble pour s'enrichir et se questionner, il faut les additionner.


41 - Les Naturages additionnent des morceaux de nature et d'humanité pour tisser une tapisserie mouvante d'images et de sons se croisant dans tous les sens. Ce sont dans les regards de mes promenades, de mes lectures, et sur ce qui m'entoure, que j'imagine les dispositifs de mes installations. C'est en lisant « Les Enfants du Capitaine Grant » que j'ai conçu l'installation n° 9 titrée « La Palissade » : « C'était une palissade de pieux peints en rouge ... à l'intérieur le sol disparaissait sous un tapis de feuilles vertes ... de grands vases contenaient de l'eau ... une douzaine de paniers remplis de nourriture ... » (29)). C'est en réalisant les premiers films au Parc de la Tête d'Or que s'impose l'idée de l'Orangerie et de son architecture longitudinale pour les installer. D'autres éléments s'y sont ajoutés pour les compléter et les questionner : les socles rouges, la barque avec sa cabane de bois, la cabane de branchages avec les écoutes de mes Chantonnages sur les pas de mes marches. Chaque installation des Naturages propose une nouvelle mise en scène revisitée, chaque visiteur y tisse sa manière de l'expérimenter. Nous sommes dans l'addition, comme un élan peut-être pour essayer de dégager de la beauté.


42 - On trouve la cabane dans toutes les cultures. J'aime le terme hétérotopie inventé par Michel Foucault (7), il s'applique à merveille à la cabane. On s'y isole et en même temps on ne fait que la traverser pour un moment. Elle est un espace dans d'autres espaces où le temps est revisité pour y être reconsidéré, où la vie y est reconsidérée pour y être repensée. Construire une cabane c'est construire un dialogue entre notre humanité, qui vient de notre enfance, de notre intériorité, et l'univers entier qui nous contient tous avec chacun notre propre cabane. C'est un autre temps qui se joue là, s'offrant et s'étirant dans une pluralité de significations. On y interprète une succession d'écoutes en deçà du temps, une forme d'art nomade joué dans un espace mobile en transformations constantes. Dans mes installations la cabane peut alors devenir réceptacle de documents pour former un cabinet de travail où seraient présentées des sommes de recherches, comme une galerie de projets additionnant dessins, schémas, croquis, esquisses, maquettes, vues de studio, photos, films, enregistrements sonores, textes, notes, partitions, et d'autres documents encore. La communication d'informations sur le travail devient le travail. C'est un peu ce que l'imagination peut inclure à l'intérieur de La Barque-Cabane échouée à l'entrée de l'Orangerie. Un flux de pensées.


43 - Internet aujourd'hui peut transporter instantanément d'un point à un autre du globe mes documents de travail, films et enregistrements. L’œuvre devenue immatérielle pour son transport se matérialise interprétée par les organisateurs et monteurs de l'exposition. Ils disposent de ces ensembles de partitions pour faire jouer mon travail. Les Naturages offrent cette facilité de réutilisations pour de nouvelles mises en scène imaginées à chaque fois comme un nouveau paysage avec pourtant les mêmes arbres. Peut-être une forme de prospérité pour les multiplier et les offrir au monde entier (30).


44 - J'ai récemment découvert le « Parterre de marguerites » de Caillebotte peint en 1893, grande toile découpée en 4 panneaux sur lesquels il nous donne à voir 4 fragments d'une surface d'un morceau de nature. Ce sont des moments naturellement prodigieux. J'y vois la surface de la vie. Ce sont ces moments que j'enregistre et filme dans mes marches. C'est un peu comme si je voyais en même temps la nature au microscope pour voir tous les mouvements de ses cellules et la nature globale dans laquelle s'inscrivent tous ces moments. L’œuvre devient mouvante et changeante parce que nous sommes les locataires d'un monde toujours précaire dans un éternel présent qu'il nous faut toujours recomposer lorsque nous cherchons à produire des ressources et de la beauté pour toute l'humanité. Ce bruit de fond du monde dessine l'énergie du monde. L'homme est l'acteur de cette grande symphonie. Il faut alors additionner les différences et non pas les soustraire, comme une action au milieu de toutes les volontés.


45 - De mes premières expérimentations au tout début des années 70 jusqu'à mes Naturages d'aujourd'hui l'élaboration de l’œuvre avec son ancrage dans le temps par la nécessité d'additionner des manipulations pour tisser le résultat final détermine mon comportement face à l'idée de création (31). L'action remplace la composition. Lorsque j'enregistre et filme des fragments de nature j'additionne des « atomes du temps » (32). Je marche et je prends le temps. Je découvre de superbes massifs de balsamine géante avec leurs tiges violacées et leurs grandes feuilles très vertes, j'écoute le bruit de l'avion qui se superpose au chant de l'oiseau, mes pas font crisser l'herbe sous mes pieds, c'est un phénomène comme une augmentation de conscience dans son contexte humain, comme l'intégration naturelle de son immense histoire pour rendre compte du monde, de ses insuffisances et de ses beautés. L'installation We Take a Walk expose le temps qui crée la vie. Tout est paysage. Je préfère y marcher un peu pour bavarder plutôt qu'être assis sans bouger.




(1) « L’œuvre », Emile Zola, 1886.


(2) Citation de Kurt Schwitters rapportée par son fils Ernst Schwitters dans « Some points on Kurt Schwitters », catalogue de la rétrospective Kurt Schwitters au Centre Georges Pompidou,1994, p 958.


(3) La citation complète de Jules Verne est : « L'homme et la nature ne sont pas en concurrence, il ne s'agit pas de savoir qui va l'emporter ».


(4) cf mon interview dans l'exposition « Walker », École Normale de Lyon, 2009 : « Lorsqu'on croise des mondes différents, des lieux différents, des gens différents, hé bien on peut tisser de nouvelles approches, de nouvelles expériences, de nouveaux regards. Et je crois que là il y a un espace à la création qui se met en place et il faut s'en saisir. ».J'ajoute cette citation de Huenselbeck : « La vie apparaît comme un brouhaha simultané de bruits, couleurs et rythmes spirituels », dans « Manifeste dadaïste », catalogue Dada Centre Pompidou p 506


(5) Les Visionnages, 2002-2009, sont des environnements visuels et sonores créés à partir d'émissions « People » des télévisions du monde.


(6) Dans « Souvenirs de James Joyce, sur le rivage de « Finnegan's Wake » Philippe Soupault écrit : « Tout est consacré à cette mobilité de l'espace, à cette fuite des parcelles de temps, à ces transformations incessantes », dans « Entretiens avec James Joyce », Belfond 1979, p 205.


(7) Michel Foucault dans sa conférence« Des espaces autres », 1967


(8) Quelques dates repères : Les Effaçages 1976-1978, Les Espaçages 1979, Les Canevassages 1979-1982, Les Remplissages 1982-1988, Les Cousages 1992-1998, Les Publicitages 1998-2009, Les Visionnages 2003-2009, Les Webcamérages 2007-2009, Les Naturages 2010-2017.


(9) La Station 6 de l'installation « La Grande Surface et tous ses Lieux » en 2006 était construite sur un fond d'images de l'univers dont la Nasa m'avait donné les droits d'utilisation.


(10) Le titre exact donné par Monet est « Coquelicots, la promenade », 1873


(11) John Cage interprète « Branches » de 1976 en 1984 à Lyon; le lendemain après-midi, 6 juin, il nous rend visite dans notre atelier. En 1985 je découvre au festival d'Avignon son fameux « Roaratorio » de 1979 ; il nous avait invités à la répétition de l'après-midi ; après le spectacle nous terminons la soirée avec lui et Merce Cunningham par une longue ballade/discussion sur la Place du Palais des Papes.


(12) Henry-David Thoreau dans le chapitre « Sound » de « Walden ou la vie dans les bois », 1854.


(13) Contrairement à ce qu'écrivait Stéphane Mallarmé : « La nature a lieu, on n'y ajoutera pas » 


(14) Christoph Heinrich, dans sa biographie de Monet, dit que « Monet souhaitait que l'eau soit sa dernière demeure. », Taschen p 91.


(15) Ulrike Kasper, « Ecrire sur l'eau, l'esthétique de John Cage », éditions Hermann, 2005, p 173.


(16) Jean-Jacques Rousseau écrit dans sa neuvième promenade : « Tout est sur la terre dans un flux continuel qui ne permet à rien d'y prendre une forme constante », « Rêverie d'un promeneur solitaire »,1776-1778, Le livre de Poche p165.


(17) Léonard de Vinci dans ses immenses entrelacements de plantes et de racines de la Sala del Asse mais aussi dans ses tableaux qui lient étroitement l'homme et la nature.


(18) « Tout se vide et se remplit au rythme de l'infini », Paul Eluard dans « Poésies ininterrompues », 1945


(19) Florence Jaillet m'a envoyé cette citation de Sylvain tesson  dans « Les forêts de Sibérie », 2011: « Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu ». Cf aussi cette célèbre citation de Hölderlin « Ne chassez pas l'homme trop tôt de la cabane où s'est écoulée son enfance ».


(20) « il écoute alors le chant d'un oiseau qui se superpose au murmure de l'eau qui coule. Le frémissement du vent sur le champ de blé et son bruissement dans le feuillage du peuplier, le doux bourdonnement des abeilles, le meuglement d'une vache dans le champ, une fillette qui chantonne assise sur un mur, l'aboiement d'un chien au loin... Toute la beauté et le bonheur de la vie », Romain Rolland dans « Jean-Christophe », 1904-1912, éditions Albin Michel, 2007, p 487.


(21) « Le message que je porte en moi est celui de la vie et de la nature », Yves Klein, discours pour l'inauguration de l'exposition Jean Tinguely à Düsseldorf en 1959, cité par Pierre Restany dans le catalogue de la première rétrospective Yves Klein au Centre Georgre Pompidou en 1983, p 15. Voir aussi l'utilisation des 4 éléments par Klein dans ses « Cosmogonies ».


(22) « La vie apparaît comme un brouhaha simultané de bruits, couleurs et rythmes spirituels », Huenselbeck, « Manifeste dadaïste », dans le catalogue de l'exposition Dada du Centre Georges Pompidou en 2005-2006, p 506


(23) « Eveiller l'homme au monde est le vrai sens de l'art », John Cage cité par Daniel Charles dans la préface du livre d'Ulrike Kasper, « Ecrire sur l'eau, l'esthétique de John Cage », p 1.


(24) « Un lieu se présente, scène, majoration devant tous du spectacle de soi. », Stéphane Mallarmé, « L'action restreinte » dans « Quant au Livre », « Divagations », Poésie/Gallimard p 255.


(25) Rétrospective Jackson Pollock au Centre Georges Pompidou, 1982. Je pense aussi à la grange-atelier de Pollock à East Hampton.


(26) En 1976 Je découvre les fameux cut-up de William Burroughs dans la quinzaine littéraire à laquelle j'étais alors abonné.


(27) Kurt Schwitters dans « Watch your step / Attention à la marche », Revue Merz n° 6, 1923.


(28) Nam June Paik écrit« Si l'on remonte le temps, l'information « plus » était la mémoire, l'information «  moins » était l'oubli. » dans « Random access information » 1980, « Du Cheval à Christo et autres écrits » éditions Lebeer Hosmann, 1993, p 109.


(29) Jules Verne , « Les enfants du Capitaine Grant » 1868.


(30) « les peintures du prochain siècle seront probablement du papier peint électronique…L'artiste qui réussira au XXI° siècle sera celui qui pourra programmer de grandes peintures sous forme transportables, car la crise de l'énergie continuera jusqu'en 2050 », Nam June Paik dans « Random access information » 1980, « Du Cheval à Christo et autres écrits » p 109 et 111


(31) « Que gagne une œuvre d'art à être travaillée lentement ? Elle gagne du temps. C'est incroyable comme le temps aide en matière d'art. Quelque chose se développe ; cela ne peut donc échouer… Les arbres qui poussent lentement sont meilleurs que ceux qui poussent rapidement... la création prend du temps... », Hundertwasser, interview de H Rand, Taschen, 1983, p 98. En 1988 Daniel Charles écrit à propos de John Cage dans « Éloge de l'alphabet » : « Prendre son temps pour prendre ses distances », dans Revue d'esthétique n°13,14,15, p 9.


(32) J'aime cette phrase de Mallarmé : « J'ai recueilli les moindres atomes du temps dans des surfaces sans cesse épaissies », dans « Igitur », Poésie/Gallimard p 52.



Copyright © Pierre Pilonchéry 2017









Retour Accueil