PIERRE PILONCHERY

pilonchery.com



QUELQUES LIEUX PRECAIRES

Une conférence/performance dans l'exposition "La Grande Surface et tous ses Lieux"


Pierre Pilonchéry

2005-2006



"Quelques Lieux Précaires" se présente sous la forme d'une conférence écrite pour présenter l'installation "La Grande Surface et tous ses Lieux" mise en scène dans l'espace de la galerie marchande d'un centre commercial à Lyon où, comme un retour à l'envoyeur, je ramenais 250 m2 de surfaces papiers obtenues par tissage de catalogues et tracts publicitaires en 6 stations accompagnées de diférents éléments et autres interventions.


Le texte divisé en 15 parties est lu par 15 interprètes en même temps, les mains gantées de rouge, sur une estrade rouge, chacun exécutant l'une des 15 voix simultanément. A la musique des mots vient se superposer une musique d'objets, chaque interprète tout en lisant son texte, actionne frotte ou tapote un objet banal issu des rayons de l'hypermarché et présenté sur les catalogues et tracts publicitaires utilisés pour les 6 stations de l'installation. La Performance pour 15 interprètes + 1 est donnée le soir du vernissage de l'installation La Grande Surface et tous ses Lieux dans le Centre Commercial Auchan de Caluire à Lyon le 13 octobre 2006.


Interprètes : Charlotte Brebant / Thibault Carles / Olivier Clerc / AnneLise Coeurjolly / Emelyne Cordier / Nina Dussouillez / Capucine Gragez / Camille Lopes / Benoîte Nicol / Julie Nicol / Julie Petit / Pierre Pilonchéry/ Cindy Rodrigues / Stéphane Roy / Cloé Vargoz / Christophe Vidal.



(chaque partie est répétée 3 fois, la performance dure 6 mn)



VOIX 1 et VOIX 16 en décalé 1°partie


La Grande Surface et tous ses lieux se présente sous la forme d'une grande installation visuelle et sonore à parcourir en six stations mises en scène à l'intérieur et à l'extérieur du Centre Commercial Auchan de Caluire à Lyon. De grandes surfaces de papier en tissage de bandes découpées dans des catalogues et tracts publicitaires sont mises en scène accompagnées d'autres éléments qui les perturbent les questionnent ou les complètent seulement. Elles sont imprimées sur les vêtements portés par le personnel. Elles sont affichées sur des panneaux publicitaires autour du centre commercial. Des éléments rouges sont disposés dans des vitrines de la galerie marchande. C'est là juste mon travail. J'aime travailler avec des matériaux livrés à domicile, par exemple les images et les sons qu'on reçoit tous les jours à la télévision ou bien sur la toile de l'Internet ou bien encore tous ces catalogues et tracts publicitaires largement distribués dans les boîtes aux lettres des maisons que nous habitons. Je rapporte au centre commercial sous forme d'œuvre d'art les catalogues et tracts publicitaires produits par le centre commercial.


VOIX 2


J'installe de l'art dans un lieu de grande circulation publique non habilité à recevoir ce genre de manifestation. Quel effet donc pour le monde? Je veux dire, que dévoilons-nous pour l'humanité? Chacun vit l'occasion d'une expérience. C'est cette faculté que nous employons lorsque nous n'avons pas idée de la façon dont les choses vont aller ensemble parce que nous ne sommes pas dans la communication mais dans l'expérience que nous vivons. La vie sur Terre invente des convergences parce que l'univers entier crée des connaissances. Comment nous appréhendons la réalité que nous construisons? Par exemple les catalogues et tracts publicitaires en disent long sur nos habitudes, ils sont des traces images de notre quotidien le plus banal et pourtant le plus inévitable puisqu'il nous faut manger nous vêtir et nous équiper, ils sont une forme à plusieurs dimensions hypothétiquement confirmées parce que le sujet n'apparaît pas nécessaire pour répandre un savoir et dessiner l'univers que justement nous construisons. C'est l'homme qui impose sa mesure. C'est la mise en œuvre d'une volonté non seulement de partager du visible mais aussi d'installer du réel. Ce réel provisoire occupe des lieux précaires et simplement quelque chose se manifeste. Nous voici donc face à l'explication sans finalité parce que nous connaissons bien les variations dans notre esprit de notre intimité toute entière traversée par les informations rapides et simultanées de notre local à l'échelle de notre univers. Dans les catalogues et tracts publicitaires nous voyons inscrits les mots les images et les sons de nos vies quotidiennes toutes entières et tout ce qui peut s'inscrire là se mélange et se croise. Ce que je veux dire c'est que présenter sous forme arbitraire des fragments par juxtapositions de moments comme des séquences d'un même film où des fragments de tous les films possibles élargit la vision du monde où nous sommes. Tous les domaines de la vie s'ils veulent atteindre leur quintessence doivent se croiser pour s'illuminer. Que révèle l'art? Les personnes qui viennent le voir. Nous pouvons donc gagner notre efficacité pour chacun mieux construire notre humanité. Tout simplement. Ce sont des tableaux de vie que vous voyez.


VOIX 3


Cette vision peut nous servir parce que voilà sûrement de quoi nous reconnaître. Mais la force n'est pas tant à déchiffrer dans ce que sont ces ouvrages que dans ce qu'ils transforment. C'est une merveilleuse possibilité vous savez parce que nous ne craignons rien, nous ne sommes pas menacés par les actions des artistes comme ici dans ce centre commercial qui accueille avec le plus grand courage le travail d'un artiste au milieu des bruits des images et des lumières de ce que d'habitude on y trouve. Maintenant vous entendez nous pouvons y rencontrer le bruit d'une eau qui coule, pensez-vous qu'il y soit perturbé par les bruits environnants de la galerie marchande qui les reçoit? Voyez plutôt les choses à l'image de ces surfaces, comme un tissage en simultané de plein d'éléments qui font l'existence de la vie la plus quotidienne à chaque instant que l'on vit. Chaque instant devient une partie de la surface de tous ces quelques choses qui nous entourent et donc aussi nous comprennent. C'est un peu comme la surface grillagée de l'espace-temps dessinée dans les revues et les livres scientifiques que nous aimons tant regarder. Chaque création s'ajoute à d'autres créations. Chaque création adresse sa parole à l'univers tout entier. Enfin ça c'est un peu facile à dire comme ça mais c'est vrai, chacun s'engage vers son but au milieu des autres qui en font tout autant. La qualité humaine peut s'installer sur tous les terrains lorsque nous manifestons notre présence sur la scène. L'impact humain de chaque intervention fait bien sûr partie de tout programme de création, peut-être une histoire d'ondes bien au-delà de la compréhension. Qu'est-ce donc qui se présente là? J'ai travaillé avec beaucoup de plaisir et de conviction vous savez sur ces surfaces et leurs contextes, je peux vous dire le temps passé sur ce travail, les premières esquisses, les rencontres, les images numériques et la construction de l'installation, je peux sûrement vous dire plein de choses là-dessus mais je ne peux donc pas vous dire le sens de tout ça. Alors que peut-on comprendre enfin me direz-vous? Toute vie, à l'écart et dans son silence, parce que le monde que je crée ne nous offre rien que nous ne puissions regarder. Que peuvent donc nos pensées pour toute l'humanité?


VOIX 4


Dans le modèle standard de l'explication de l'univers nous pouvons remonter le temps jusqu'au Big Bang et sa singularité, ce point de la matière-énergie de notre univers nous emmène au sommet de la montagne d'où la vue se dégage. Vous voyez, nous manifestons notre présence sur la scène comme un état de présence arrangé par une mémoire fluctuante et sûrement passagère. Mais toujours nous avançons. C'est pour ça que je veux jouer sur tous les terrains, dans un centre commercial ou sur la planète Mars, sur un terrain de foot ou dans un musée, ou dans tout autre endroit lorsque nous pouvons ou pourrons y aller. Pour prendre la mesure de nos objectifs nous tissons des morceaux du monde où nous sommes. Que révèle donc l'art? Les personnes qui viennent le voir. Comme le chant des oiseaux les langages et toutes les cultures totalement incompris par ceux qui n'en sont pas s'exécutent ici dans l'attitude exemplaire d'une superbe combinatoire qui jamais ne sera achevée. Dans un état de simultanéité tout peut se recomposer. Les mots les images et les couleurs des catalogues et tracts publicitaires tout autant que les mots les phrases et l'intelligence des auteurs qui nous éclairent. Chacun nous pouvons nous approprier sans nous dissimuler tous ces lieux communs que nous connaissons bien parce que nous ne sommes pas désemparés pour traverser l'illimité. Le sens que l'on peut trouver là nous emmène morceau par morceau au sommet de la montagne, comme un rendez-vous des plus surprenants mais aussi des plus apaisants parce que tous on s'y retrouve finalement assez facilement. Ici ce soir par exemple nous mesurons la pleine lisibilité de la force de nos mouvements. Il s'agit d'une œuvre éphémère dans un espace public pour un spectacle réel du monde dans le monde parce que nous affirmons la nécessité d'une présence topique à toute création d'art pour l'incarner librement. Il y a d'abord la volonté de création parce que l'art nous transforme voyez-vous quelque soit la situation. Une nécessité personnelle. C'est donc une merveilleuse possibilité, nous pouvons construire nos demeures comme on ramène un caillou du sommet de la montagne. L'éloge de la multiplicité lorsqu'on veut parler des choses ça veut dire que des partitions de différents styles peuvent être envisagées au même moment comme une succession d'événements qui se passent en même temps.


VOIX 5


Des mises en position d'actions pour associer ce qui pourrait ne pas être associable, tout ça d'un air joyeux qui nous réjouit. L'art peut changer nos esprits. Nos yeux et nos oreilles peuvent librement cueillir ce qu'ils veulent sans craindre de bloquer notre instinct de survie. Je vous lis donc cette chronique et ces notes de travail sans passion mais avec conviction parce que nous avançons dans nos existences formées de diverses combinaisons depuis cette fameuse singularité du Big Bang et de tout ce que nous pouvons élaborer sans jamais douter de la force de ce que nous créons. C'est là notre triomphe. Voilà ce que je veux dire, la promenade sur le chemin que nous créons devient la traversée que nous traçons. Un pas plus un pas. Maintenant nous opérons dans un champ de possibles mettant en jeu des corrélations que nous tissons, nous nous emparons d'une urgence de création comme d'une urgence d'évolution. C'est la volonté de création. Sommes-nous donc tous des génies ou bien seulement des êtres passants? Nous sommes bien sûr tous les personnages sur la scène. Toutes les situations de la vie, perceptions, comportements, modalités, cultures, accomplissent un style c'est-à-dire une synthèse de nos carences et de tous nos besoins. D'une manière ou d'une autre nous vivons sur des invitations si nous savons les déceler parce que nous traversons l'abondance. Par exemple les produits culturels aussi fonctionnent par la publicité, sur les panneaux publicitaires l'ambition de nos désirs éclaire ce que nous voulons manifester. Il y a là quelque chose de philosophique dans la nécessité d'être toujours en éveil parce que l'art qui naît de la vie ne peut être séparé de la vie. C'est pour ça que les commentaires sur l'exposition sont aussi l'exposition. Par exemple la méthode d'écriture pour ce texte et tous ceux que j'écris ne laisse en rien présager ce qui peut ou ne peut pas en faire partie parce que nous nous trouvons dans une position où nous devons avancer quelque soit la situation. Il s'agit là de l'invulnérable expérience de la fonction d'être. Tout se tient dans la réalité du monde. Tout fonctionne par interrelations des éléments dans leurs rencontres et de ce qu'il en advient dans l'ordre de l'inédit qu'ils inventent.


VOIX 6


Le voyage n'est pas organisé dans notre conscience englobante du monde en forme de mosaïque parce que notre conscience de l'immédiat dans l'espace et le temps peut reconnaître et fabriquer l'ensemble unifié de la complexité. Nous pouvons créer à l'échelle mondiale tous les sens du monde en même temps. Imaginez mesdames messieurs que vous puissiez étaler des centaines ou des milliers ou plus encore de postes de télévisions que vous mettez en scène où vous voulez comme vous voulez, vous voilà devenu un merveilleux artiste sans autre décision que celle de votre conscience à l'âge de la consommation. Dans ce cas vous comprendrez aisément que la publicité photographie l'apparition de nos actes. Voulez-vous finalement sentir mille joies pour vous donner confiance? Mettez les choses ensembles dans la situation que vous vivez. Tout simplement vous donnez vous-même mesdames et messieurs l'expérience de la clémence du ciel parce qu'on peut mélanger tous les ciels de partout dans le monde indépendamment de nos pensées. La réalité du monde demande à être interprétée comme une partition à partager entre toutes les générations. Que craignons-nous puisque nous sommes le monde que nous créons? Il nous faut donc travailler au processus de pénétration du monde dont notre regard embrasse toutes les scènes en même temps, tout ça c'est juste de l'action voyez-vous, en quelques secondes comme l'éclair ou le bruit du tonnerre, une addition du temps et de tout ce qu'il contient. Nous sommes l'univers que nous créons. L'interrelation des connaissances nous amène tous au service des uns et des autres, non seulement par souci de renseignements, mais surtout pour conférer à la difficulté de la justesse de notre perception une participation magique inlassablement amoureuse de tous nos sens y contribuant. Quelle signification? L'idée de rencontrer dans leurs effets englobants nos sens et nos perceptions c'est juste ce que nous inventons. Le voyage n'est pas organisé mais la photographie que nous en faisons peut s'organiser.


VOIX 7


C'est la question de la méthode c'est-à-dire de la connaissance consciente des processus créatifs que nous utilisons. N'importe quelle chose désormais peut librement s'intégrer au processus de fabrication. Le jeu de la simultanéité nous permet de tisser tous les patchworks que nous voulons parce que la mise en oeuvre d'une volonté de partager du visible dans un déploiement toujours provisoire de perspectives nous emmène où nous sommes. Dans ce sens l'art peut avec avidité s'approprier diverses plates-formes d'actions bien au-delà de celles qui lui sont habituellement réservées. Est-il donc impensable que dans un centre commercial je puisse y tisser mon lien très affectif à l'univers tout entier? Le rapport à l'écoute du monde comprend aussi son utilisation. Le son l'image et le texte voyagent ensemble dans les ondes, aucun bruit ne trouble la tranquillité dans laquelle nous nous immergeons. Nous pouvons alors saluer le monde tout entier dans lequel nous nous agitons, nous savons bien que dans cinq milliards d'années la fin de la vie du soleil et donc sur Terre ne constituera pas la fin de la vie qui se poursuivra ailleurs autrement. La vie sur Terre invente des convergences parce que l'univers entier crée des connaissances. L'homme provient de l'intelligence. Quelles formules donc construisons-nous? Toute notre humanité dans l'univers tout entier peut toujours se manifester lorsque nous nous dirigeons d'un point de vue à un autre pour voir la beauté du monde qui nous est donnée. Autre chose à tout moment peut avoir lieu lorsque nous le savons, comme une sorte de théâtre proche d'un opéra cosmique qui serait la vie dans laquelle tous et toutes choses existons. J'essaye d'atteindre la simultanéité dans la réalité qui m'est donnée. Si je dis alors que ne s'encombrant pas d'un chemin solitaire le voyageur dans l'univers peut toujours réclamer le respect pour l'excellence de son esprit qu'est-ce que ça veut dire? Mais je peux toujours poser une question plus véritable parce que tous les endroits que nous traversons méritent notre attention. Chacun pénètre à sa manière dans le centre commercial et si quelqu'un dit ça n'a pas de sens alors dites inventez votre sens. Ensuite et ainsi de suite? Ensuite on peut facilement se diriger d'un point de vue vers un autre point de vue parce que la promotion du monde dans mon programme contient un grand nombre de combinaisons. Tout ce qui fait le monde peut être refondu dans une œuvre d'art. Que devient donc l'art lorsqu'il peut sortir des lieux que l'on a réservés pour l'art? Le regard s'élargit, tout simplement. Tout ça n'est pas compliqué à saisir, notre vision incarne l'état de notre conscience.


VOIX 8


Un éclair et son bruit de tonnerre nous transforme, je veux dire des changements percutent notre planète, alors raconter l'action procède de l'élémentaire. Tout ça donc nous pouvons le commenter. L'interprétation par exemple de ce texte par 16 lecteurs en simultané évacue le sens au profit de l'événement jusqu'à l'incohérence parce que notre force dépasse ce que nous connaissons déjà. L'intelligence par exemple sait transformer le ridicule comme l'âme sait consommer les traces d'une action désorientée. L'art ne conquiert pas les territoires qui ne sont pas les siens mais l'art traverse les territoires qui ne sont pas les siens. Que voit-on? De nombreuses figures reconnues sans position n'étonnent pas de surprendre mais nous continuons notre visite comme une exaltation pour notre âme. Notre fragilité nous anime d'amour ordinaire et nous occupons tous ces lieux précaires. Il ne peut y avoir de limites à l'envergure de nos activités. Chaque individu peut à son gré façonner la forme de sa participation au monde que nous traversons, c'est l'acte de fabriquer pour affirmer l'acte d'exister, c'est quelque chose que l'on trouve de partout à toute époque dans le monde tout entier. Voyez par exemple la parole et tous ses phénomènes de mouvements dans les mots et les phrases et tous leurs jeux combinatoires permanents, la parole nous révèle la transmission des savoirs comme une juxtaposition de tous les ouvrages produits bien avant que nous ne soyons nés, mais aussi nous le savons bien après que nous ne serons plus ici sur la Terre. Nous additionnons. Toutes ces surfaces que vous voyez ici transformées en amas de couleurs par une pratique facilement repérable et même réalisable nous enveloppe d'une vraie joie savante. Nous perdons la notion de sens à comprendre pour la remplacer par celle de l'expérience à vivre. La Grande Surface et tous ses Lieux que nous pouvons traverser ici en allant faire nos courses dans le centre commercial tisse un morceau de l'ensemble de tous mes ouvrages parce que la prise en compte de tout ça éclaire autrement tout ceci, en tous cas généreusement l'élargit à tout ce qui pourra suivre après ma venue sur la Terre.


VOIX 9


L'interaction de toutes nos activités humaines et de toutes les données naturelles avec lesquelles nous sommes nés tissent avec amour et vigueur des formes de surfaces globales presque organiques dans lesquelles nous pouvons nous envelopper comme dans un manteau de connaissances qu'il nous faut sans cesse transformer pour mieux nous adapter. Nous accomplissons des actions parce que nous voulons inclure plutôt qu'exclure. L'esprit de la matière se reflète dans nos actes parce qu'on y entend les images du paysage que nous construisons. Tous les chemins sont accessibles à nos pas. Cette conscience globale dans l'art d'aujourd'hui peut imprimer ses moyens dans tout le monde tout entier d'aujourd'hui comme un effet de réverbération pour toutes nos actions justement. Et dans nos expériences vers la connaissance les éclairages peuvent être différents sur toutes ces actions et leurs multiples aspects dans le monde où nous sommes, tous les chemins vers les inépuisables potentialités de notre évolution sont accessibles à nos pas. Je veux parler de l'expérience d'un homme sur sa planète dans l'univers. Yves Klein nous dit qu'il expose dans la galerie du monde aux yeux de l'univers et que les artistes savent ce que c'est que la responsabilité d'être un homme vis-à-vis de l'univers. Qui peut donc peut en témoigner? Il semble bien que toute personne comme bon nombre d'êtres humains serait prête à savoir quitter une immense salle d'attente pour observer d'autres données. Cette conscience globale dans l'art d'aujourd'hui peut imprimer ses moyens dans l'économie d'aujourd'hui, comme un effet de réverbération. Quelles traces pour le passage de nos activités artistiques? Des mosaïques de visions, voilà toute l'histoire. C'est un chantier permanent. Tous les domaines de création méritent notre attention, par exemple le mode de diffusion du travail est le travail parce que chacun de ces ouvrages contient la notion d'inachèvement, l'exécution peut en être revisitée comme on peut faire avec une partition qui demande à être interprétée. Les phénomènes et leurs particularités, toutes nos facultés, contribuent à ce qui semble être l'interconnexion du temps et de l'espace. L'action de l'artiste fait signe. Agrandir l'existence ménage de réelles satisfactions, nous sommes tous en état de comprendre cette remarque lorsque la contingence et l'universel se rencontrent et se questionnent.


VOIX 10


Nous agissons en permanence au milieu d'images et de sons attachés à nos contextes d'existences c'est-à-dire que nous traversons en permanence des lieux précaires bien réels pour y installer tous nos objets éphémères comme cette installation qui relève du monde de l'art au milieu du monde commercial dans l'économie d'aujourd'hui. Ce travail ne dérange ni ne perturbe le site qui l'accueille, la vie continue de s'y dérouler mais il densifie tout ce qui peut s'y passer. Par exemple que fais-je donc lorsque je dis une conférence sur l'art et la vie? Dois-je prendre mes documents pour aller donner cette conférence? Tous les artistes je pense orchestrent les choses de la vie. Comme à chaque fois un bouleversement planétaire ou bien une mise en scène dans un rêve des plus lointains voyez-vous mais bien jusqu'ici. Comment sommes-nous arrivés là? Quels signes sommes-nous capables de configurer pour être reconnus? Nos voix sont multiples pour informer l'univers de nos situations, enfin c'est un peu facile à dire comme ça parce que tout seul sur le chemin chacun s'engage vers son but c'est-à-dire que nous enregistrons nos faits quotidiens du plus simple aux plus grands dans les galaxies que nous occupons parce que la force prévalant dans la nature c'est celle d'un plan d'expansion comme une onde qui se propage et n'en finit pas. Il nous choit donc de dire la continuation du monde humain à jamais inachevé. Mais nous ne sommes pas perdus au milieu de ces multiples combinaisons du devenir. Nous sommes dans un théâtre d'actions à la fois visuelles et sonores où le chant d'une eau qui coule présente autant d'irrégularités que le ciel étoilé sur la surface grillagée de l'espace-temps bien organisée. Nous sommes bien dans une atomisation pulvérisée au niveau de l'exécution, comme modulable à chaque intervention. Le choix de la prolifération peut librement s'appliquer à la multiplicité des événements, l'art sous toutes ses formes peut s'installer à l'intérieur même de sa source c'est-à-dire de la vie même qui le crée. Notre vie pour la plupart traverse plus souvent le centre commercial que le musée ou la cuisine que la salle de conférence, eh bien nous enregistrons nos faits quotidiens les plus banals et j'entends déjà les applaudissements. Nous manifestons du plaisir à nous voir au milieu de ces lieux disponibles.


VOIX 11


Nous additionnons nos actes et tous les mots que nous lançons dans le fin fond de l'univers. Les pas de nos promenades s'ajoutent et s'additionnent et nous écoutons si nous savons le bruit du ruisseau tout autant que les sons des radios qui se mélangent bruyamment. Qui sommes-nous chacun au milieu de ce qui s'adresse à tout le monde? L'addition des signes du monde rendus présents les uns aux autres suppose des perspectives que nous devons apprendre à bien tracer si nous voulons savoir exister. C'est l'histoire de notre présence au monde parce que l'art peut s'accrocher sur toutes les surfaces de la vie qu'il peut rencontrer. Nous sommes l'univers que nous créons. Quelle signification ? Insuffler de l'art dans des lieux de comportement collectif permet le retour sur soi au milieu des autres et du monde tout entier. Il nous faut donc travailler au processus de pénétration du monde dont notre regard embrasse toutes les scènes en même temps. Regardez, c'est très simple, il y a de tout dans cette installation, le chant d'une eau qui coule doucement, les sons des radios qui se mélangent bruyamment, des morceaux d'images de pleins de choses à vendre en même temps, nos paroles qui se perdent... Comment nous fonctionnons? Tous nos savoirs se construisent par additions. Tout se fait et se défait dans l'expérience vers la connaissance et longtemps le regard bien sûr sait pouvoir se contredire, la promotion du monde dans mon programme contient un grand nombre de combinaisons. Chaque moment de l'espace multidimensionnel selon toutes nos perspectives écrit l'éloge de la méthode, comme un instrument de travail pour avancer tranquille et léger dans la réalisation de tous nos ouvrages. L'action de réalisation de ces surfaces nous emmène dans une notion de temps, nous y voyons bien ce qui est mais tout autant ce qui n'y est pas et pourrait être là tout autant. Tout le cycle de production-consommation se joue ici sur l'ordre de l'imagination. Comme sur une partition pour chacun son interprétation. L'inachèvement pourrait même ne pas passer ici pour un luxe superflu, il ouvre un espace de je multiplié par x fois le chiffre des passants dans le centre commercial. Chaque jour avec un coefficient de possibilités infinies construit l'imaginable autant que l'inimaginable. Nous amplifions de ce point de vue le but de pouvoir laisser chacun bien sûr à son propre but, comme une amplification jamais trop excessive de la situation dans laquelle chacun nous nous trouvons.


VOIX 12


Nous ne sommes pas dans la communication mais dans l'expérience que nous vivons. Le monde fera ce qu'il voudra de ce travail. N'importe quelle chose désormais peut s'intégrer au processus parce que l'art prenant soin de ses matériaux est parfaitement capable de fonctionner au niveau mondial. Les moyens avec nous déterminent la vie matérielle de l'homme pour participer de son plein gré à la vie sans précédent de tous ses savoirs-faire additionnés. Les cerveaux et les cœurs se mettent en rapport pour créer et diffuser les considérables connaissances et techniques que nous faisons circuler. Ce projet est un projet mondial pour la population du monde tout entier. Cette situation détermine en moi une résolution que rien ne pourra détruire, faire de toute action le centre du monde où que ce soit dans le monde pour qui que ce soit dans le monde. J'affirme ici la force de chacun. Le million de milliards de milliards de kilomètres de l'univers observable nous rend très proches d'ici ce qui se passe ailleurs sur notre Terre. Nous pouvons à peu près être sûrs d'être ensemble les observateurs du même monde que nous regardons avec des lunettes différentes dans des directions différentes. Ici la cause et l'effet ne sont pas identifiés parce qu'il est seulement nécessaire de voir le monde non plus comme un gigantesque puzzle où chaque chose a sa propre place mais comme un infini patchwork où chaque chose peut être remplacée par une autre. Ce n' est pas une machine mais juste une idée de surfaces additionnées sans limites jusqu'à l'infini qu'on ne sait pas bien sûr situer. Tous les sons du monde que l'on pourrait croiser unifient magistralement les hommes et tous leurs lieux d'existence et de pensées. La méthode c'est la connaissance consciente de nos processus créatifs. Tout le monde peut participer mais chaque acteur ou spectateur s'en explique à lui et rien qu'à lui. Simplement nous développons morceau par morceau les contours du vaste monde où nous sommes. Quelles traces donc pour les passages de nos activités artistiques? Toutes les surfaces où peuvent se dessiner des vies humaines méritent notre attention.


VOIX 13


Les catalogues et tracts publicitaires inscrivent des signes de nos vies humaines dans leur quotidien le plus banal et commun, tout projet artistique s'incarne dans un monde bien réel. Le bruit de fond des radios s'additionne au bruit de fond de l'eau du ruisseau. L'infinité des fragments de l'univers peut s'additionner, la Nasa nous envoie des images du cosmos tout entier. Voyez donc, l'univers est bien mon sujet et beaucoup d'autres après moi en feront tout autant. Tout se tient dans la réalité du monde. Notre humanité dans l'univers tout entier peut toujours se manifester. Comme mon ami Schwitters je fais de la publicité pour l'humanité toute entière dans l'univers tout entier, c'est donc tout naturellement que j'ai inventé ma vision mosaïquée de ce monde tout entier pour y jouer en toute liberté sans priorité. C'est notre faculté d'agir si nous voulons intervenir. Comme ici dans un centre commercial j'infiltre de l'art dans un monde qui n'est pas le sien. L'art peut occuper tous les terrains, même celui des footballeurs ou même celui de la planète rouge dès les premières missions martiennes habitées que nous allons bientôt organiser. Mais indépendamment de nos pensées la réalité du monde demande à être interprétée comme une partition à partager entre toutes les générations. Il nous faut travailler à ce processus de pénétration du monde dont notre regard embrasse toutes les scènes en même temps. Voulez-vous sentir mille joies pour vous donner confiance? Mettez les choses ensembles dans la situation où vous vivez, par exemple le souffle du vent, l'orchestre symphonique lorsque les instrumentistes s'accordent avant le début du concert, des applaudissements et des chants d'oiseaux, plusieurs émissions télévisées ou radios mélangées, des objets de notre quotidien simplement tapotés, des lectures de textes que l'on aime superposer, une musique de piano jouée par un interprète aux mains gantées, de rouge bien sûr, d'autres voix encore, beaucoup de voix et beaucoup de plein d'autres choses aussi, tout simplement vous donnez vous-même mesdames et messieurs l'expérience de la clémence du ciel lorsqu'on peut tout mélanger. Ma vie telle que je la voie additionne.


VOIX 14


J'utilise vous voyez tout ce qui peut nous arriver à domicile, les images et les sons reçus à la télévision, sur les radios, sur Internet et tout son réseau, sur les catalogues et tracts publicitaires dans les boîtes aux lettres des maisons que nous habitons. Ce qu'il en est de tout ça dans l'espace et le temps c'est l'amour glorieux toujours en chantier dans ce que nous entendons et voyons parce que nous pouvons construire en permanence un concert comme un ensemble de réactions physiques lorsque nous croisons plusieurs directions. Nous disposons vraiment de nombreux moyens pour nous mettre en action. Alors nous devenons des instruments de mesure de cette poussée de nos expériences dans le monde que nous habitons parce que toute forme sous laquelle un homme obéit à son cœur par ses connaissances mérite d'agrandir l'espace infini du monde que nous occupons. Si donc des millions et des milliards de gens produisent quelque chose, de nouvelles plates-formes d'action sont peut-être nécessaires pour l'art d'aujourd'hui. Quel apport pouvons-nous offrir à l'histoire de notre idéalité comme à celle de l'humanité? Nous avons beaucoup de confiance à nous redonner. Par exemple je peux occuper des milliers d'heures à construire mes surfaces comme celles de ces six stations dans ce centre commercial, comment puis-je alors comprendre ce concept de fabrication? La promotion du monde dans mon programme contient un grand nombre de combinaisons. De façon courante le processus dans une certaine mesure constitue le médium et dans la plupart des cas rencontrés l'artiste bien sûr incarne une manifestation du temps. C'est l'utopie de l'enthousiasme dans le processus évolutif qui caractérise l'histoire de l'humanité. Nous occupons des lieux précaires que nous remplissons morceau par morceau pour nous diriger, ici bien sûr l'idée c'est de trouver pour l'art d'aujourd'hui d'autres lieux pour exister. Regardons donc l'art comme une histoire de rencontres à chaque fois revisitées, nous comprendrons que dans tous les cas progressivement l'espace qui l'entoure reflète simplement la force de chacun qu'il nous faut saisir pour exister. Comment savoir? L'art peut nous transformer. La conscience humaine permet la transformation de nos existences et chacun peut librement donner naissance à son propre apport dans l'univers tout entier.


VOIX 15


Quelquefois vivre dans ces conditions en somme c'est une aventureuse expédition. Avec cette grande surface de l'univers tout entier et de ses deux paramètres qui construisent toutes nos existences, je veux dire l'espace et le temps, tous les autres concepts deviennent de simples vues de l'esprit. L'art habite l'univers et nous voudrions lui donner le meilleur de nos perfections. Au milieu de tous nos contextes de vie depuis les cultures premières jusqu'à celle de nos centres commerciaux d'aujourd'hui la notion d'interchangeabilité que nous utilisons nous apporte une réponse capable d'enregistrer tous les discours sur l'idée de composition. C'est donc une présence attentive aux conditions terrestres de nos existences, depuis notre quotidien le plus commun jusqu'aux dimensions les plus infinies de ce que nous connaissons et ne connaissons pas encore. Tout se fait et se défait dans l'expérience vers la connaissance. L'idée de mises bout à bout de tous ces morceaux de quelque choses c'est tout simple nous emmène bien sûr dans une perspective infinie. Il nous faut apprendre à penser les lieux de nos existences. La recherche de lieux non conventionnels pour l'art d'aujourd'hui me paraît donc une évidence parce que nous pouvons toujours vivre mieux n'est-ce-pas si nous voyons le monde comme un chantier qu'il nous faut créer pour inventer. La multiplicité des infinies possibilités de bien d'étranges façons et par des procédés encore inexploités se passe de commentaires, l'intention tout comme la non intention brassent une démarche maximaliste qui comprend à la fois des éléments fixes et d'autres à inventer dans chacun des contextes où l'œuvre peut être installée. Chacun peut ainsi s'approprier pour le reconstruire ce qui est présenté. Considérez donc mes ouvrages comme des processus pouvant conduire à beaucoup de possibles, comme des partitions multiples et variées dont la forme et la mise en scène sans cesse rejouables sont à chaque fois reconsidérées. C'est l'envie de l'art bien au-delà de l'art parce que nous sommes le monde que nous créons. Je voudrais que mon travail devienne utilisable au milieu des créations de tous mes contemporains proches ou lointains parce que l'expression de l'existence diffuse dans son alentour la force de chacun dans ses efforts et ses procédés pour inventer.


VOIX 1 et VOIX 16 en décalé 2°partie


Vous l'avez compris, l'art d'aujourd'hui souvent fait avec les choses de la vie d'aujourd'hui mérite d'être montré dans des lieux de la vie d'aujourd'hui. J'aime la façon dont nous pouvons entraîner nos créations dans des espaces de visibilité qui ne coïncident pas avec ceux de l'art et là vous trouverez La Grande Surface et tous ses lieux que je suis très heureux de vous présenter dans ce centre commercial qui l'accueille aujourd'hui. Et pour terminer je redirais, avec Kurt Schwitters mais lui bien avant moi, si je fais de la publicité c'est pour toute l'humanité dans l'univers tout entier. Merci.



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