PIERRE PILONCHERY

pilonchery.com

LES NATURAGES 2010-2018


Les Naturages, série d'installation mêlant multi-projections, écrans et autres éléments, sont construits sur un fond de nature avec ses images, ses mouvements et tous ses sons mélangés à ceux qui disent la présence humaine.

450 films coupés en 3840 séquences puis remontés sur 450 pistes divisées en 10 films de 45 pistes chacun sont projetés simulltanément sur plusieurs dizaines de mètres ou sur écrans, complétés de cabanes, chansons, dessins, photographies, autres films, notes de travail et autres choses encore. La particularité tient au double mouvement des 450 films, celui de la caméra et celui du montage, mouvements circulaires d'avant en arrière et de droite à gauche ou vice-versa, qui permet de les mettre en mouvements permanents sur les surfaces de projections comme une mosaïque mobile et dynamique qui additionne ainsi tous leurs sons.

Formats paysages et formats portraits à la fois, ce sont des morceaux de nature et de vies humaines qui se questionnent et se complètent. Une coulée de temps et de vie.

Ces propositions, réalisations et projets sont comme des partitions à dispositions pour de nouvelles interprétations à chaque nouvelle présentation.


Cliquez sur les images pour agrandir




QUELQUES LIEUX FORMATS PAYSAGES ET PORTRAITS A LA FOIS

Notes de travail pour Les Naturages en général et l'exposition "We Take a Walk"en particulier

2010 - 2017


J'ai écrit ce texte en utilisant l'étymologie du verbe composer, c'est-à-dire que j'ai posé ensemble, par juxtapositions, épissages, et autres formes de déplacements, des notes de travail dispersées sur les années du chantier de ma série Les Naturages en général et de l'exposition We Take a Walk en particulier. J'ai obtenu 45 blocs de textes, comme les 45 films qui composent chacun des 10 films de la série. Ce texte se présente comme une nappe textuelle additionnant notes, réflexions, commentaires, explications, à l'image des nappes visuelles et sonores des installations de la série. Il peut être lu sous forme de conférence / performance superposé aux bandes-sons des films. J'invite simplement le lecteur à lire ces pages dans l'immensité passée présente et future.


1 - Les Naturages sont une série d'installations construites sur un fond de nature avec ses images ses mouvements et tous ses sons mélangés à ceux qui disent la présence humaine. Formats paysages et formats portraits à la fois ce sont des morceaux de nature et de vies humaines qui se questionnent et se complètent. 450 films coupés en 3840 séquences puis remontés sur 450 pistes divisées en 10 films de 45 pistes chacun sont projetés simultanément sur plusieurs dizaines de mètres ou bien sur écrans, complétés de cabanes, chansons, dessins, photographies, autres films, sons, notes, et autres choses encore. La particularité tient au montage des 450 films qui permet de les mettre en mouvements permanents sur les surfaces de projections comme une mosaïque mobile et dynamique qui additionne tous leurs sons. Chaque installation crée une action, sa description questionne plus son existence que sa forme.

2 - Les Naturages sont des formes de ramassages de moments de ma vie comme une forme de vérification sur l'état d'être en vie. Le rythme de mes pas sur le sol quand je marche, ma voix qui chantonne au-dessus de mes pas, le bruit de fond des voitures et des passants superposé aux chants des oiseaux ou bien à celui du vent, tout ça c'est comme une respiration, une forme de conscience d'être en vie. Depuis 40 ans j'associe des milliers et des milliers de morceaux pour construire mon travail comme l'univers associe des milliards et des milliards de particules pour construire ce qu'il est et devient et c'est une impression d'éternité dans ces jeux de relations entre moi et le vivant sous toutes ses formes. C'est là mon chantier pour comprendre les liens essentiels entre mes processus de création et ceux de la vie dans laquelle ils s'installent et c'est de ma vie dont je parle ici et de celle des 7 autres milliards d'êtres humains tout autour. Entre le ciel et moi circule le bruit de fond du monde comme un répertoire à disposition qui mérite toute mon attention, c'est une situation pour l'espèce humaine et sa jouissance de l'univers tout entier. C'est un peu comme lorsque j'écoute de l'eau couler, elle égrène le temps mais reste toujours là, dans un éternel présent peut-être.

3 - L'installation "We Take a Walk" présentée à l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or à Lyon est un hymne à la nature dans la vie humaine tout autant qu'à la vie humaine dans la nature. Elle fonctionne en multi-projections par juxtapositions et superpositions de morceaux de nature avec tous leurs sons et tous leurs mouvements. Les processus artistiques et naturels se rencontrent. Les films se promènent sur la surface du mur écran, les uns devant les autres, dans tous les sens. Le regard se promène de gauche à droite, de haut en bas, de derrière à devant. La bande-son donne à entendre le devant comme le derrière, l'arrière-plan sonore est formé par ce bruit de fond permanent que l'on entend lorsqu'on se promène. La promenade se joue à plusieurs échelle et plusieurs niveaux. C'est comme si je voyais le temps non pas sur une flèche horizontale mais comme un oeil au sommet d'une verticale, tous les points de ce temps rassemblés. Lorsque j'écoute le chant du merle, des moineaux et des corbeaux j'écoute aussi le moteur des automobiles, du train et de l'avion. Une interprétation de la vie et de ses multiples considérations.

4 - J'aime tisser un lien étroit et porteur de sens entre l oeuvre et son lieu d'exposition. Lorsque je travaillais avec des catalogues et tracts publicitaires je montrais ce travail dans les allées d'un centre commercial, intervenant avec les divers personnels du centre durant le temps de préparation et d'exposition, puis dans un entrepôt industriel désaffecté, mais aussi dans un centre universitaire où je parlais du commerce des marchandises et de celui de la pensée. Et dans le même temps dans de multiples lieux du globe pour tisser ce lien inévitable entre leurs registres variées et ceux de ma propre existence. Je ramène donc les matériaux dont je me sers, que je récupère, dans les lieux d'où ils proviennent. Je travaille maintenant avec la nature, j'expose ce travail dans un lieu pour la nature, une orangerie dans un parc. L'observation de la nature comme un assemblage de circonstances entre le monde et moi inspire mes réflexions. J'y rencontre la nécessité de rassembler ce qui m'occupe alors, c'est comme si je construisais une forme de grand tableau de l'univers et de son silence au milieu du bruit.

5 - Le bruit de fond du monde fait se rencontrer les sons de la nature avec ceux produits par l'homme. Tous ces bruits qui surviennent, automobiles, avions, trains, machines, sont aussi dans la nature. La vie s'exprime sous des allures multiples et différentes mais c'est bien le même monde lorsqu'on le regarde à distance. C'est juste une question d'échelles et de points de vues. Tout ça m'a paru une évidence lorsque j'ai trouvé une photographie de la Terre vue des anneaux de la planète Saturne, elle y est seulement un petit point minuscule dans l'espace. On peut voit l'ensemble ou bien seulement des parties. Le détail et son ensemble en constantes interactions transforment nos rapports à la nature, toute action y est à la fois indépendante et liée aux autre. Les bruits de la nature et ceux de l'homme n'y sont pas en concurrence mais en situations de compléments. J'aime entendre le bruit des voitures qui se mêle à celui du chants des oiseaux. Les sons de l'homme et de la nature se rencontrent, se croisent et se superposent, comme sur une mosaïque en mouvements incessants. Et ça, ça me ravit !

6 - Dans "L oeuvre" de Zola l'écrivain Sandoz parle de "l'avenir des êtres se succédant toujours, achevant de créer le monde par le travail sans fin de la vie" (1). C'est l'image de ces générations humaines et de leurs traces additionnées que je dessinais dans Les Effaçages en 1976. C'est de ces suites de générations humaines qui s'accumulent au fil des siècles dont je parlais dans mon installation L'Obscène et la multiplication sans réponse au début des années 80. J'y vois une autre scène en action, celle de la vie que l'homme crée avec celle de la nature. Ce sont "Les Naturages". Kurt Schwitters disait : "L'esprit humain peut rancir s'il ne reçoit pas constamment des impressions neuves par le biais de l'étude de la nature" (2). En Norvège Schwitters remplace les déchets de la vie urbaine de ses tableaux Merz par des déchets naturels, organiques. Il parle de ses tableaux naturalistes. Je trouve là une position déjà postmoderne dans ces traversées de registres et de styles différents, il n'y a pas séparation entre le monde des déchets urbains et celui des paysages offert par la nature. La nature est au centre de tout ce qui fait la vie. Pas de nourriture sans la nature, pas de matériaux et de produits fabriqués sans la nature. La nature est visitée par l'homme. "We Take a Walk" est une promenade qui nous fait traverser la vie sous toutes ses formes, celles de la nature et celles de l'homme. C'est pour cela que l'Orangerie du Parc de la Tête d'Or me semble être, à Lyon, l'espace le plus adapté pour faire exister cette installation.

7 - Les Naturages dessinent des régions d'existences. Ils disent la présence humaine dans la nature mais ne sont pas un documentaire sur la nature. Couleurs et contrastes sont retravaillés par l'ordinateur, un peu comme Monet qui retravaillait dans son atelier ses cathédrales de Rouen. Monet a aimé peindre la gare Saint-Lazare et le pont, très moderne à l'époque, de la voie de chemin de fer. La technologie humaine s'ajoute à la nature. Ce sont des impressions de merveilleux paysages, un rassemblement continu d'abondance de choses communes pourtant si nombreuses mais si parfaites pour moi. Je suis presque surexcité lorsque je capture un morceau de nature entouré de tous ses sons, naturels et humains. J'y trouve du merveilleux, rythmant mon regard et mes oreilles à tous ces morceaux de nature et de vies humaines qui se croisent.

8 - Tout est là en même temps, comme le temps d'une eau qui coule, à la fois le même et pas le même. Le temps reste le premier sujet de l'installation "We Take a Walk". Cette question du temps se joue en premier lieu dans les processus même de réalisation de l'installation. Le temps, réel, de filmage au cours des saisons dans mes voyages et mes promenades, et le temps, long, plusieurs années, de fabrication des films. Je commence par travailler le son puis le son me guide pour les déplacements et les dimensions des films. J'opère à partir de là des jeux de variations qui s'additionnent. J'obtiens une suite visuelle et sonore de moments additionnés et tissés comme un souffle d'énergie dans lequel, comme l'écrivait Jules Verne, "il ne s'agit pas de savoir qui l'emportera, de l'homme ou de la nature" (3), la vie de l'homme et celle de la nature sont indissociables. L'installation peut aussi prendre le temps de voyager. Plusieurs lieux, plusieurs mises en scène, des rencontres de personnes et de paysages différents, des écoutes de sons différents (4). Un work in progress qui transforme l oeuvre devenue comme une matière organique à chacune de ses présentations.

Lire la suite

Partitions temporelles des Naturages

Lire d'autres textes


Accueil