PIERRE PILONCHERY

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LES VISIONNAGES 2003-2009


En 2003 j"ajoute à mes ouvrages Les Visionnages, des environnements créés par ordinateur où les images et les sons composent une partition complexe où la multiplicité du monde rencontre la singularité de chaque chose et chacun qui que nous soyons.

Les Visionnages sont des séries de vidéos projetées sur divers éléments (mur, empilements de cartons d'emballages, textiles étalés librement, sable, eau, sculptures de l'Antiquté, visiteurs revêtus de combinaisons blanches de peintre en bâtiment mises à disposition à l'entrée de l'exposition) pour créer des environnements qui reçoivent des surfaces d'images aux couleurs saturées et des nappes de sons tous mélangés capturées à la télévision dans de très brefs extraits d'émissions "people" du monde et traitées à l'ordinateur pour les transformer puis les additionner en les juxtaposant, en les superposant, en les croisant, avec une grande densité dans le visuel et le sonore en même temps.

En 2007 et 2008 je prépare All the People, une installation en 2009 pour le Musée des Moulages à Lyon que je remplis d'échafaudages pour porter un important appareillage de diffusions de films et de sons. 500 petits films se mouvant sur un fond rouge sont projetés sur les corps des statues tous les sons se mélangeant. C'est comme un regard sur le chantier de la fourmillière humaine et de son agitation au milieu de toutes ses idoles auxquelles elle se raccroche depuis celles du passé jusqu'à celles d'un tout autre ordre qui saturent nos médias d'aujourd'hui.


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QUELQUES LIEUX COMMUNS

2007-2009


A partir de l'été 2007 je prépare l'exposition «All The People» pour le Musée des Moulages à Lyon. Ce travail poursuit la série des Visionnages commencée en 2004. 500 petits films réalisés à partir de captures de différents portraits de tous ces gens d'aujourd'hui qu'on voit sur nos postes de télévisions du monde entier sont projetées en même temps sur un fond lumineux rouge et se promènent sur une centaine de moulages de sculptures antiques au milieu d'une structure d'échafaudages portant les appareils de diffusions des images et du son. Des micros sont à la disposition du public pour additionner sa voix à celles superposées des 500 films diffusés. Les murs sont éclairés de rouge. Ce texte est constitué de notes rédigées depuis le mois de mars 2007 dans le moment de la préparation de l'installation jusqu'à sa mise en place finale prévue au Musée des Moulages à Lyon en décembre 2009. Il se présente sous la forme d'une addition de 50 paquets de 10 lignes chacun soit un total de 500 lignes correspondant aux 500 films projetés par paquet de 50 par 10 vidéo-projections sur les sculptures du Musée.


… « Nous sommes ensembles mais il y a des mondes différents »...


1 - C'est très simple de mettre ensemble toutes les sonorités du monde et de dire clairement qu'il n'y a pas de sens à comprendre mais à construire comme on veut, ça pose la question de la réception de l'œuvre d'art, et la question de la réception de l'œuvre d'art c'est-à-dire l'attitude individuelle en laquelle on peut avoir confiance c'est l'histoire de notre présence au monde dans son infinie répétition, c'est-à-dire que si simplement toute l'histoire de l'humanité espère se résumer de préférence aux meilleurs hommes que l'on puisse envisager de connaître alors qu'aujourd'hui toutes ces choses qui captivent le plus l'attention des hommes se trouvent sur tous nos écrans d'ordinateurs et de télévisions et que cette agitation-là supplante toutes les histoires du monde et de son évolution, il nous faut donc poser la question de savoir ce que nous pensons pouvoir aujourd'hui trouver dans nos musées et toutes nos expositions, et c'est donc aussi la question des conditions de la production


2 - de l'œuvre et de de son apport au lieu qui la reçoit parce que la mesure des choses commencent toujours pendant que quelqu'un d'autre ailleurs fait aussi quelque chose, c'est-à-dire qu'indépendamment de nos pensées la réalité du monde au final demande à être interprétée comme une partition à partager entre toutes les générations, c'est pourquoi donc il nous faut savoir travailler à ce processus de pénétration du monde dont notre regard voudrait embrasser toutes les scènes en même temps lorsque nous regardons la place de nos corps et de leurs habitudes qu'ils appliquent à la perception même des éléments qui les entourent et les contiennent, et si donc toutes nos activités continuent d'indiquer nos situations dans le monde que nous traversons je voudrais dans ce sens qu'on puisse utiliser mon travail pour mieux vivre, je voudrais dans ce sens que mon travail devienne utilisable au milieu des créations de tous mes contemporains, proches ou lointains, parce


3 - que si l'expression de l'existence diffuse la force de chacun dans ses efforts et ses procédés pour inventer, chaque morceau d'art ajoute sa part d'humanité à l'univers tout entier, c'est comme une grande promenade dans laquelle on est mis en contact direct avec la grande multiplicité, c'est l'expérience de la vie, et c'est dans ce sens donc que la question devient maintenant «que peut-on faire de cette œuvre d'art?» et non plus «que veut dire cette œuvre d'art?», parce que nous pouvons exprimer bien d'autres idées de nous-même et de nos pensées si nous savons converser avec ce monde tout entier qui nous entoure et donc nous contient, alors que pouvons-nous donc dé couvrir dans cette installation sur toutes ces surfaces des 500 films réalisés à partir d'émissions de télévision projetés sur des moulages de sculptures antiques?, eh bien des instants de quelque chose, sans propos, simplement des lieux et des mouvements dans l'espace et le temps parce que tout ce que


4 - l'on peut entendre et voir en même temps produit l'atmosphère de notre respiration juste en cet endroit du temps pour mieux voir et comprendre que nous sommes parfaitement capables d'apporter toujours d'autres réponses aux toujours mêmes questions posées depuis les débuts de l'humanité, c'est pourquoi la bonne question devient donc de savoir comment nous pouvons voir nos vies les plus intimes voyant les histoires de tous ces dieux et déesses idoles du passé comme celles nouvelles et d'un autre registre qu'on voit sur nos écrans d'aujourd'hui, donc que voyons-nous là?, d'abord et surtout bien sûr un regard sur la fourmilière humaine et ses idoles, c'est un regard comme une histoire sans fin parce qu'il y a toujours quelqu'un pour chanter quelque part sur la place publique au milieu des étoiles, mais c'est aussi et toujours le sentiment d'une première fois face à toutes ces idoles lorsqu'on obtient la mesure de notre courage non pas pour nous différencier mais


5 - simplement pour exister, c'est pourquoi la question de savoir comment l'homme se présente au monde n'exprime rien d'autre que sa priorité à mieux savoir créer pour se grandir dans la beauté, et dans ce sens notre comportement dans notre rapport au monde ne manifeste rien d'autre que notre ambition pour aller toujours plus loin, c'est un peu notre contribution à l'expansion de l'univers où nous sommes parce qu'au-delà des particularités c'est bien évidemment l'univers tout entier que nous explorons, et dans ce sens une œuvre ne peut pas se limiter à quelque territoire particulier pour affirmer l'art et révéler ce qui se passe et repasse dans le temps, c'est pourquoi je dis que c'est très simple de mettre ensemble toutes les sonorités du monde et de dire clairement qu'il n'y a pas de sens à comprendre mais à construire comme on veut, c'est pour moi juste une question de méthode et de processus pour se mettre en action mais d'abord et surtout de regards et de sens sur le monde,


6 - sur le monde et moi, moi là qui le voit et me voit avec tout ce champ des possibles, ça veut donc dire d'abord que nous sommes les auteurs responsables de notre monde, et j'en mesure les effets, ça veut dire aussi que c'est une question de temps parce que la vie résulte d'opérations de rencontres et que tout ça c'est une histoire d'additions, depuis les débuts de l'humanité jusqu'à notre époque des technologies d'aujourd'hui, ça veut dire encore et surtout que pour mieux voir l'ensemble je regarde ici juste en cet endroit du temps pour mieux voir, il y a beaucoup de choses dans cette situation, tous les changements possibles peuvent s'y superposer, et lorsque donc l'interaction avec le monde nous frotte à des événements extérieurs nous pouvons en jouir ou bien en souffrir et nous pouvons alors agréablement jouer des certitudes comme des incertitudes, c'est ce que je veux dire lorsque j'écris quelque part que je nais 200 ans après la mort de Descartes et la


7 - naissance de Bach en 1750, vous voyez donc qu'un seul contexte motive mon travail, l'existence de l'univers et de tous ses ingrédients, que contient-il?, seulement ce que nous lui donnons, et que lui donnons-nous?, des systèmes de connexions pour relier tous ses éléments si nous voulons savoir les voir pour mieux nous voir encore, et qu'obtenons-nous?, différents types de surfaces qu'on étire à l'infini bien au-delà du raisonnable dans l'ordre de l'imaginable, et qu'en faisons-nous?, hé bien c'est là tout le jeu de notre liberté, il nous suffit juste de clarifier la conscience que nous avons de nos processus de création pour savoir comment ça fonctionne, à tout niveau, nos observations, nos connaissances, nos questions, nos idées, nos technologies, la nature, les personnes que nous rencontrons, cette exposition pour laquelle j'écris ce texte que vous lisez, tout ça contient des dimensions que chacun doit pouvoir créer si nous voulons les mesurer pour


8 - mieux les connaître, et comment donc alors ça fonctionne?, hé bien l'observateur crée la réalité, c'est déjà dit, donc, en d'autres termes, question première, de quoi remplissons-nous le monde?, parce que si je peux considérer la possibilité de strates visuelles et sonores comme des formes de mises en art il paraît plus juste de considérer chaque regard sur l'œuvre comme un regard sur soi, et donc ce qui se manifeste ici par une sorte de réflexion détournée ce ne sont pas tant les dimensions artistiques de l'installation que celles singulières et provisoires des personnages qui la traversent, c'est quelque chose qui traverse toutes les cultures, une longue histoire dans laquelle les identités se croisant le sens des mots peut y varier à chaque rencontre dans le monde, c'est ce fil rouge que je tisse lorsque je fais porter par les images du passé les images d'aujourd'hui, la question donc simplement devient maintenant de savoir comment je vois le monde pour me voir, ou, mieux,


9 - comment je me vois pour voir le monde, et si la manière universelle de voir le monde nous dit que toute vision forcément partielle sait que d'autres parties non visibles existent aussi, ce que nous voyons nous relie à tout ce que nous ne voyons pas qui donc est aussi convoqué là, voilà pourquoi ma méthode de travail, je l'ai dit, c'est l'addition, et c'est dans ce sens que je peux écouter sans fin toutes les voix du monde et de toutes les époques, en les mélangeant, donc vous voyez je n'invente rien, je ne fais que suivre la manière du monde qui depuis 15 milliards d'années se construit dans son expansion par additions, et même si parfois il faut savoir laisser de côté l'explication pour s'occuper de l'imagination nous pouvons toujours commenter ce processus de création, par exemple si nous laissons devant nous la vie se brouiller comme devant le spectacle d'une fourmilière en pleine agitation lorsqu'on la dérange avec un bâton il nous faut alors absolument déterminer les


10 - différences de registres de nos pensées pour savoir toutes les faire exister, ça nous conduit à regarder la signification de nos existences dans le monde qui est ce qu'il est c'est-à-dire de multiples et périssables substances lorsque nous savons regarder l'humanité, autrement dit à toutes les échelles de grandeurs nous sommes en contact avec toute l'humanité, et si donc notre geste créateur multiplie jamais la construction ne pourra être achevée parce que la permanence de notre chantier nous ramène toujours au présent dans notre expérience du temps, et dans ce sens notre rapport au monde n'est pas celui que nous trouvons mais bien évidemment celui que nous fabriquons, ou tentons de fabriquer, et c'est donc notre vocation de savoir redimensionner les articulations de nos déplacements dans l'espace symbolique que nous leurs attribuons, et c'est dans ce sens là que l'art demande une participation magique inlassablement amoureuse de tous nos sens y contribuant,


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