PIERRE PILONCHERY
LES TEXTURAGES 1993-1996
Avec Les Texturages, entre 1993 et 1996, j'applique à mes notes de travail les méthodes que j'utilise dans mes oeuvres visuelles précédentes. Plus tard se grefferont à la série quelques travaux antérieurs ou plus récents.
Les Texturages tissent des traces de mon travail, de ce qui le motive et le construit.
Les Texturages sont des propositions textuelles réalisées à partir de notes de travail manuscrites et de leurs reproductions photocopiées, découpées, puis assemblées par diverses manipulations et collages : tissages de bandes découpées, effaçages, inversions, juxtapositions, déplacements, etc... S'y ajoutent ensuite des fragments de reproductions d'oeuvres antérieures et autres documents de travail.
J'obtiens alors des surfaces de papiers fragiles et précaires aux possibilités de présentations et de formats variées : pages de livres, tableaux, installations et partitions de performances sonores.
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QUELQUES LIEUX EN MÊME TEMPS
( UN EPISODE EN PASSANT )
1999
Le texte " Quelques Lieux en Même Temps ( un épisode en passant )" additionne des notes de travail d'une période charnière qui clôturait "Les Cousages", revisitait "Les Remplissages", expérimentait "Les Texturages" et débutait "Les Publicitages". Il s'articule autour de la question du temps pour élargir le regard à celle du geste créatif comme nécessité d'existence au milieu du monde et de ses composants.
Quelle est la valeur du temps? Rien n'est jamais déterminé pour l'homme dans son théâtre d'espace et de temps et je ne peux pas en finir avec l'interrogation de mes choix dans mes tentatives et gestes de créations sur cette question-là. Ils sont une partie de phénomènes qu'en fait j'aurais pu tout aussi bien tisser autrement même par exemple sous formes de plaisanteries pour que les gens comprennent avec plus d'amusements comme en cherchant à mieux voir dans un microscope. Si je tiens donc à manifester quelque chose c'est toujours ce sentiment permanent de vacuité diffractée et c'est sûrement par nécessités non seulement artistiques mais aussi vitales que j'ai activé des processus de créations pour atteindre l'observateur parce que le thème dérisoire de tout mon programme vers cet horizon triomphal sur cet échiquier provisoire de l'existence c'est l'incertitude comme seul principe engagé pour me tenir éveillé et pouvoir continuer. Peut-être trouvera-t-on grotesques toutes ces pages, comme une existence littéralement en morceaux,une philosophie labyrinthique, mais je ne suis pas inquiet parce que dans ces situations à la fois géniales et banales je ne peux rien créer d'autre que ces additions avec toutes leurs digressions. Coudre ensemble des moments dans l'histoires du monde fait muer le temps en autant d'espaces de solutions que de moments enregistrés. Voilà donc les dimensions de ma théorie, des images réunies provisoires complétées d'autres objets différents dans leurs autres questions, comme peut-être des phénomènes mathématiques en expansion infinie. La formule, pour interpréter ces partitions avec tous leurs processus en actions, exige de l'espace et du temps comme des sortes de modulations, des formes reflétant l'imprécision, les formes ouvertes d'un esprit nomade avec leurs aspects multipliables à l'infini. Dans tous les cas ce n'est donc jamais un mouvement en fin de course mais plutôt une douce insurrection vers quelque chose en avant vers quoi se déplacer. Au début, dans ce mouvement, la conscience reste muette, souvent même animée de distractions invraisemblables, mais pas vraiment subjectives, seulement actives, puis elle continue dans une profonde solitude, avec quelque chose de tranquille, comme des prétextes à s'étonner, ou bien à se montrer. On y trouve alors le charme de la nouveauté, plutôt de l'ordre du pressentiment que d'un choix raisonnable. Et c'est voluptueux ce territoire, à la fois fluide et dense, sans cesse en connexion avec l'origine de nos références et pourtant en même temps comme une addition de points dont les données ne présentent aucun modèle, bien loin d'un système duquel sortirait une valeur déterminée avec des pensées assurées mais plutôt dans la tentative d'une pensée libre cheminant vers d'autres considérations, vers d'autres directions, différentes et toujours à revisiter, peut être à regarder comme des manifestations singulières d'un point de vue global à partir d'ici pour essayer d'observer, de créer, et donc d'exister dans un monde nécessairement étonnant, comme une propagation généralisée de tentatives de moins en moins et de plus en plus équivalentes en même temps, comme sous l'effet d'une peinture belle et fascinante qui ne peut pas laisser indifférent quelle que soit son lieu et ses conditions d'exposition. Même dans l'indifférence nous devons laisser un signe de notre passage parce que le regard accordé à chacun par chacun est une effervescence du visible pour toutes nos existences et leurs développements. Avec l'exploration de toutes ces formes de langages, ce que nous disent les ressemblances et les différences des configurations individuelles, tout laisse penser que se joue régulièrement dans le monde entier le même film du miracle impossible ou possible que nous voulons vivre et comprendre parce que.la question de savoir qui écrit le monde sous nos yeux a besoin d'être expérimentée en liant notre parole à l’œuvre de création du monde entier. Nous sommes tous et toujours des contemporains, c'est là peut-être un sens à notre présence dans cet universel champ d'énergies et lorsque nous arrivons à la frontière rien de tel que de poursuivre son chemin. Nous rencontrons alors des gens qui nous parlent, nous écoutons des télévisions qui s'agitent, nous apposons nos signatures, nous regardons tous ces autres soi-mêmes et sous l'effet de l'excitation nous sommes mis à nu mais nous ne sommes pas désemparés, bien au contraire. La plupart du temps tout le monde est excité, tant de choses à faire, chacun y va de sa construction. C'est pourquoi nous devons continuer notre voyage et franchir la danse de notre époque. C'est pourquoi j'installe ma musique et ses variations,
des détails de la vie qui collent aux mots avec des regards qui peuvent absorber toutes les situations,
des images en concerts sans obstructions ni conventions,
la surface du monde vaste et mobile avec le temps qui remplit l'espace de nos promenades comme une page blanche au-delà même de l'horizon visible proche ou lointain,
ces nuages qui flottent avec un tel naturel qu'on peut comme des enfants y voir des représentations mouvantes et surprenantes,
tous ces virtuels quelques choses aussi qu'avec soin je m'efforce d'enregistrer comme des additions de pensées, comme des partitions dématérialisées à recomposer avec des fonds de tiroirs qui deviennent un jardin des délices,
la relativité très générale qui de partout nous englobe et nous tient comme dans une promenade sur les bords du cosmos immense indestructible et finalement incompréhensible,
des choses aussi très habituelles et parfois même des chapitres douloureux avec l'agitation du subconscient et l'exception solitaire comme la mise en mémoire de tous nos autoportraits,
alors nous n'avons finalement aucune raison de rester assis trop inquiets pour soigneusement conserver nos différences, nous ne jouons pas le rôle de rescapés, simplement ce que je veux dire c'est que dès le début nous devons choisir notre nom pour affirmer chacun notre idée de création. Et lorsque nous entrons dans la conscience d'un devenir au centre du temps cette mise en évidence déclenche dans le silence et le bruit quelque chose comme une exaspération d'échos, comme une tapisserie tout aussi bien à l'envers qu'à l'endroit, comme une égale et inégale alternance jubilatoire dans une volonté d'existence avec et sans valeurs communes. C'est une pratique du temps comme un infini regard bienheureux. C'est l'acte créatif c'est-à-dire la mise en place d'un espace grand angle qui démonte et remonte le temps, un éclat du moment combinant des présences et des instants sans décor ni métaphore.
© pilonchery